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Une ligne de châteaux en éperons
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- Carte des châteaux en Alsace, avec répartition des châteaux de montagne (sur les sommets des Vosges), de plaine et motte féodale (souvent disparus dans les affrontements-reconstructions des villes). source CRDP
Dès le XIe siècle, dans les campagnes alsaciennes, la population augmente de manière constante. Le défrichement et l’amélioration des cultures permettent de nourrir de plus en plus de bouches. Passée dans l’orbite des Habsbourg en 1324 (le Saint Empire Romain germanique n’aura de cesse de veiller à la paix publique par son soutien envers les pouvoirs locaux), l’Alsace se trouve morcelée. Cette mosaïque territoriale est établie en fiefs répartis entre comtés et évêchés ayant pour vassaux une multitude de nobles et de chevaliers garants de la sureté du territoire. Chaque grand col, chaque abbaye, chaque bourg d’importance possède sa forteresse, son fortin, de la simple tour comme le Plixbourg à l’entrée de la vallée de Munster jusqu’au trois châteaux surplombant Eguisheim. Notons d’ailleurs que la rivalité qui va s’opérer entre abbayes et châteaux sera source de conflits entre grands féodaux et religieux jusqu’à la Réforme protestante qui s’exprimera en Alsace de façon assez virulente au début du XVIe siècle
Nous avons beaucoup de mal à évaluer le nombre précis de châteaux qui sont édifiés dans toute la campagne alsacienne entre l’an 1000 et 1500. Si l’imaginaire collectif nous renvoie les images des châteaux en haut des collines, en fait, il y a deux types de château forts à cette époque : les châteaux de la plaine, souvent intégrés dans les remparts des villes ; peu ont survécu, pour cause de destruction, incendie, pillage et reconstruction sur emprise. Par contre, les châteaux qui dominent les sommets des Vosges, sur un promontoire ou un éperon rocheux ont mieux résisté aux assauts du temps. Il y en a de fameux, comme le Hohlandsbourg, château des Habsbourg dominant la vallée de Munster et les sommets vosgiens, le Saint-Ulrich des comtes de Ribeaupierre à Ribeauvillé ou bien encore le célèbre Haut-Koenigsbourg. La plupart de ces châteaux seront abandonnés lorsque le pouvoir royal sera affirmé, peu de châteaux seront saccagés lors du passage des troupes de Louis XIV, mais ils subiront tous le passage des siècles, serviront pour certains de carrières de pierres.
- Depuis les grands axes de la plaine alsacienne, les ruines des châteaux au sommet des monts forment le fond de scène vosgien. Leur rôle défensif permettait de garder l’accès aux vallées des Vosges.
Il nous reste aujourd’hui des ruines au sommet des Vosges, point de repère dans le paysage, stimulant notre imaginaire. Qui n’a jamais essayé de compter ces châteaux lors d’un passage sur l’autoroute A35. Lieux symboliques, chargés d’histoire, ils sont marqueurs de l’identité des paysages alsaciens. De loin (encore faut-il regarder vers l’Ouest le matin) comme de près, les châteaux forts sont aussi des lieux vécus au travers des chemins de randonnées.
D’ailleurs, la « route des Vins d’Alsace » sur le piémont alsacien garde trace dans les paysages viticoles et villageois de la présence du château médiéval, comme à Kaysersberg. Entrés dans le bien collectif, ces châteaux sont porteurs d’une certaine image de l’Alsace, côté campagne avec les piémonts vosgiens et le vignoble.
Le Haut-Koenigsbourg, si reconnu.
- Vue sur le donjon du château et sur la plaine d’Alsace en contre-bas. Crédit photo : www.haut-koenigsbourg.fr
En fait, le célèbre château du Haut-Koenigsbourg a été construit en toute illégalité sur des terres confiées aux moines de l’abbaye de Lièpvre. C’est lorsque Fréderic de Hohenstafen est nommé duc de Souabe en 1079 et afin de renforcer son pouvoir dans la région qu’il fait édifier de nombreux châteaux sur les crêtes des Vosges. Celui du Haut-Koenigsbourg occupe une position stratégique dans la région : il contrôle en effet l’axe Nord-Sud de circulation du blé et du vin, et par la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines, l’axe Est-Ouest du sel et de l’argent. Démoli par les troupes suédoises en 1633, il doit sa reconstruction et son embellissement à l’empereur prussien, Guillaume II. Soucieux d’en faire revivre la grandeur, dans le style du XIXe siècle (retour au Moyen-Age), l’empereur souhaite par ce projet montrer la grandeur prussienne. Les travaux engagés s’écartent largement de la composition initiale du château (proportions, éléments de modénature, ajout de structures,…). Musée vivant des traditions et techniques du Moyen-Age, le château du Haut-Koenigsbourg offre aujourd’hui une image (quelque peu déformée) de la puissance vécue et ressentie d’une situation géographique singulière au travers d’un monument d’architecture.