Fierté alsacienne, l’industrie a été le sujet de nombreuses représentations depuis le XVIII^e siècle. Les fabriques, puis les usines, symboles du dynamisme et de la modernité de la région, sont magnifiées jusqu’au début du XX^e siècle par les illustrateurs, les photographes. Encore dans les années 1950-1960, la carte postale continuait à les photographier. Aujourd’hui, beaucoup de ces sites industriels ont disparu ou changé de vocation pour devenir, pour certains, objets de patrimonialisation, de destination touristique, et même de décors de cinéma.

  L’industrie dans le paysage

La présence ancienne de l’industrie en Alsace a créé des paysages spécifiques. Fabriques nichées dans les paysages des vallées ou au pied des Vosges, grandes cités industrielles de la plaine, cheminées fumantes qui émergent du paysage des villes, l’industrie est une composante de la représentation des paysages alsaciens au XIX^e siècle.

  Nichée au creux des vallées et adossée aux reliefs

Sur ce tableau, la fabrique textile est nichée dans la vallée de la Bruche derrière un rideau d’arbres, à l’écart du village. Sa cheminée fumante permet seule de la distinguer des autres constructions. Elle fait partie intégrante de la représentation pittoresque de ce panorama des Vosges que désigne de son bras tendu le personnage situé sur le petit promontoire qui lui permet d’embrasser l’ensemble du paysage.

Dans la gravure de gauche, malgré la force des montagnes à l’arrière-plan, les trois grands et hauts bâtiments d’usines et leurs cheminées fumantes imposent leur présence dans ce paysage près de Colmar. Le château planté sur le sommet, à gauche, apparaît marginalisé, dans le rapport de proportions entre la montagne, la fabrique, les personnages. Il s’agit moins ici, semble-t-il, de représenter le paysage pour lui-même que d’affirmer la puissance de l’industrie et de rendre compte, indirectement, de son impact.

A droite, Jean Mieg offre une image davantage idéalisée. Les couleurs employées, la figuration de la végétation, les ciels montrent une volonté d’intégrer, sinon de fondre, la fabrique dans le paysage, comme si elle en faisait depuis toujours partie, au même titre que les arbres, le village, la montagne. Hormis les grands aplats blancs qui indiquent l’activité textile, rien ne vient troubler ce paysage bucolique où vaches et bouvier sont disposés au premier plan.

Une tradition qui s’impose aussi dans la carte postale

La carte postale, jusqu’aux années 1960 n’a pas éludé les paysages industriels (mines, grands sites industriels, fabriques). Alors qu’aujourd’hui, l’industrie comme les autres activités économiques, ne sont qu’exceptionnellement représentées.

Que ce soit à Sainte Marie-aux-Mines ou à Turkheim, ce sont les cheminées d’usine qui signifient la présence de l’industrie dans la continuité urbaine, composante parmi d’autres du paysage.

  Dans la plaine ou dans le paysage des villes

Dans la plaine, les implantations industrielles prennent une toute autre ampleur. Elles créent un paysage en soi, marginalisant – mêmes si elles restent présentes - les composantes naturelles et agricoles.

Dans ces deux images, la ville ancienne est à peine esquissée. Le véritable motif est la manufacture qui, prenant possession du paysage, devient une ville en soi.

  Les grandes manufactures, les cités ouvrières, paysages à part entière

De nombreuses gravures, dessins… rendent compte pour eux-mêmes des grands sites industriels alsaciens. La cité ouvrière, symbole du paternalisme d’une partie du patronat alsacien, est souvent elle aussi l’objet de représentations.

L’usine, son environnement technique et ses infrastructures, l’activité qu’elle crée, sont le sujet de cette gravure. Fumées, grands espaces de séchage de textiles, trains déboulant de chaque côté de l’image pour converger vers son centre : Bischwiller est représenté selon des codes bien éloignés du pittoresque. Seule concession à l’univers non technique et industriel, au fond à droite, une esquisse de collines aux douces courbes vient adoucir – à peine - le bruit et l’agitation créés par le train et la manufacture.

Une représentation typique des cités ouvrières du XIX^e siècle : au premier plan, des maisons identiques qu’agrémentent de petits jardins et, au loin, la présence tutélaire de l’usine et de ses cheminées.

  Déprise, patrimonialisation, reconversion

Si l’Alsace est aujourd’hui une des régions les plus industrielles de France, les images de ces activités sont peu diffusées. En revanche, les fiches des anciens sites ont fait émerger une nouvelle iconographie liée à un nouvel intérêt patrimonial pour ce secteur débouchant sur un tourisme spécifique.

« Le Carreau Rodolphe dispose d’une très grande visibilité dans le paysage. Il est de plus situé dans une zone touristique en plein développement, avec l’Ecomusée (qui est à l’origine de son sauvetage en 1987), le Bioscope, une future zone résidentielle touristique, et un projet baptisé « Domaine Nature ». Le tourisme industriel y a toute sa place. Le Carreau Rodolphe est aussi un lieu de mémoire fort, puisque c’est ici qu’eut lieu la plus grande catastrophe de l’histoire de la potasse en Alsace qui fit 25 victimes le 23 juillet 1940 ».
Extrait de la page d’accueil du site

Les friches industrielles font partie des éléments de programme des cours de géographie du collège. La banque d’images du CRDP propose de nombreux visuels dont cette photo de l’ancienne usine DMC de Mulhouse. On peut y voir son importance dans le paysage urbain.

L’affiche de la fête du patrimoine industriel qui associe des sites de trois régions : l’Alsace, la Lorraine et la Franche-Comté montre que les anciens sites industriels font bien aujourd’hui partie du patrimoine architectural alsacien.

Une des formes originales prises par la reconversion des sites industriels alsaciens en activité ou désaffectés est leur utilisation comme décors de cinéma, indiquant par là-même leur valeur d’image et de paysage.

Le Port autonome et l’usine d’incinération de Strasbourg sont deux « paysages industriels » en activité proposés par l’Agence culturelle d’Alsace comme décors (occasionnels) pour le cinéma ou la télé. D’autres sites, en friche, comme l’usine DMC de Mulhouse sont aussi devenus des lieux de tournages. Ces paysages retrouvent ainsi provisoirement une affectation qui met en valeur leur ambiance et leurs espaces souvent exceptionnels, tout en pérennisant leur mémoire.