Haut de page

Logo préfècture région

       
Représentations culturelles et sociales

Contenu

Routes et panoramas : une manière spécifique de voir l’Alsace

partager sur facebook partager sur twitter
23 juillet 2013

La géographie de l’Alsace rend propice la vision panoramique des paysages : de l’ouest vers l’est, les sommets des Vosges permettent d’embrasser la montagne, la plaine et ses villes, le Rhin et la Forêt-Noire. De l’est vers l’ouest, à partir de la plaine, le regard se heurte, après une succession de campagnes, de villages et de collines, à la ligne des Vosges dont le profil bleu dessine la frontière entre l’Alsace et les autres régions françaises. Ainsi, les paysages alsaciens sont-ils très souvent représentés par ces vues lointaines au format cinémascope.
L’appréhension « itinérante » des paysages est une autre particularité des représentations. Le développement précoce des lignes de chemin de fer y a certainement contribué, mais aujourd’hui, ce sont les routes, valorisant le patrimoine architectural et culturel (route du vin, route des crêtes, routes des châteaux-forts…) qui créent des images mentales fortes mais éclatées.

  Des paysages vus de haut et de loin

« Des sommets de ces hauteurs, et de quelque côté que se porte le regard, au midi, au nord ou au levant, l’œil étonné contemple d’Alsace, le Palatinat, le Botzberg, le Brisgau jusqu’à la Forêt-Noire. L’imagination du poète, le pinceau du peintre concevraient à peine un spectacle plus sublime, tant sont grandes la variété, la beauté des sites, la multitude des richesses qui y sont déroulées. Sur un ciel serein, les crêtes du Jura, les Alpes helvétiques, le Botzberg, la Baar, se détachent à l’horizon, colorés par les teintes bleuâtres de cette forêt hercynienne, qui se déroule presque parallèlement à nos montagnes, tandis qu’à leurs pieds, dans une vaste plaine d’une admirable fertilité, se dessinent douze villes ou cités et de deux cents villages. Bacchus et Cérès semblent se disputer la campagne : ici le sol est entrecoupé par des prés verdoyants, à travers lesquels des rivières, des ruisseaux sinueux font serpenter leurs méandres ; là il se couvre d’épaisses forêts, dont l’aspect enchante ou glace d’épouvante. Puis, au milieu de ce magique tableau, le Rhin, roulant ses flots aux pieds de nos montagnes, enlace la vallée qu’il semble ne pouvoir quitter. »

Jean-Daniel Schoepflin, Depuis le sommet du mont Saint-Odile ; Alsacia Illustrata, 1751-1761 [1]

Les Vosges

De la plaine vers les Vosges
JPEG - 141 ko
B. Hartmann, Panorama des Vosges en Sesseheim et Isenheim, 1900
Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg
JPEG - 160.6 ko
B. Hartmann, Panorama des Vosges de Bergheim et Kintzheim, vers 1900
Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg

Ces deux panoramas font partie d’une série de 13 vues présentant le profil des Vosges de Sessenheim à Wissenbourg.
Ce type d’images panoramiques réalisées au début du XXe siècle a profondément marqué les imaginaires. Représentation à la fois géographique et artistique, elle appartient à l’identité même du territoire alsacien. De la plaine, le spectateur embrasse d’un seul regard ou presque toute l’organisation du territoire : la plaine cultivée investie des bourgs et des villages, jamais très éloignés les uns des autres, dont les clochers indiquent le centre. A l’arrière-plan, la ligne des reliefs qui leur servent d’écrin. Les repères ne sont pas oubliés comme, dans la deuxième image, le château du Haut-Koesnigsbourg qui vient coiffer le sommet du mont.

Des sommets vosgiens vers la plaine et le Rhin
JPEG - 495.4 ko
J. Stumpf, ill. et Hancke, Vue panoramique de l’Alsace et des Vosges prise du château de Hohenknigsbourg, XIXe siècle
Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg

Si le massif vosgien est le sujet privilégié des vues panoramiques, ses belvédères– ici le Haut-Koenigsbourg – permettent des vues remarquables sur le paysage formé par la plaine, le Rhin, les reliefs de la Forêt-Noire et les Alpes. La vue met en valeur la stricte géométrie des lanières de parcelles cultivées, caractère identitaire à la plaine d’Alsace. Les bois de la plaine – traités en aplats - et les villages, malgré leur traitement en toutes petites touches sombres stéréotypées, d’où n’émergent que les pointes des clochers, participent également à confirmer ce paysage dans son imagerie.

Vues du train
JPEG - 277 ko
E. Simon, Th. Muller, Panorama des Vosges de Rouffach à Bergholtz près Guebwiller, 1841
Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg

La ligne de chemin de fer construite au milieu du XIXe siècle entre Bâle et Strasbourg permet de longer sans discontinuer le pied du massif vosgien. Le voyageur peut ainsi en découvrir, dans un temps raisonnable, toutes les particularités. Grâce à ces images, les voyageurs peuvent revivre leur expérience « paysagère », les autres en avoir un aperçu.

  Les routes touristiques : une représentation éclatée des paysages

« Vers quatre heures du matin, je me suis réveillé. Un vent frais me frappait le visage, la voiture lancée au grand galop, pendait en avant, nous descendions la fameuse côte de Saverne. C’est là une des belles impressions de ma vie. La pluie avait cessé, les brumes se dispersaient aux quatre vents, le croissant traversait rapidement les nuées et par moments voguait librement dans un trapèze d’azur comme une barque dans un petit lac. Une brise, qui venait du Rhin, faisait frissonner les arbres au bord de la route. De temps en temps, ils s’écartaient et me laissaient voir un abîme vague et éblouissant ; au premier plan, une futaie sous laquelle se dérobait la montagne ; en bas, d’immenses plaines avec des méandres d’eau reluisant comme des éclairs ; au fond, une ligne confuse et épaisse – la Forêt-Noire, - tout un panorama magique entrevu au clair de lune. Ces spectacles inachevés ont peut-être plus de prestige encore que les autres. Ce sont des rêves qu’on touche et qu’on regarde. Je savais que j’avais sous les yeux la France, l’Allemagne et la Suisse, Strasbourg avec sa flèche, la Foret-Noire avec ses montagnes, le Rhin avec ses détours ; je cherchais tout, je supposais tout, et je n’en voyais rien. Je n’ai jamais éprouvé de sensation plus extraordinaire. Mêlez à cela l’heure, la courses, les chevaux emportés par la pente, le bruit violent des roues, le frémissement des vitres abaissées, le passage fréquent des ombres des arbres, les souffles qui sortent le matin des montagnes, une sorte de murmure que faisait déjà la plaine, la beauté du ciel, et vous comprendrez ce que je sentais. Le jour, cette vallée émerveille ; la nuit, elle fascine. La descente se fait en un quart d’heure. Elle a cinq quart de lieue – Une demi-heure plus tard, c’était le crépuscule (…) ». Bientôt, voilà l’aube. Dans la fraîcheur matinale, des paysans sont à leurs vignes. Puis, c’est Wasselonne franchie au galop où, tout à coup, à un tournant de la route, une brume s’est enlevée, et j’ai perçu Munster. Il était six heures du matin ».

Victor Hugo, Le Rhin, Strasbourg, La Nuée bleue, 1991 [2]

JPEG - 125.8 ko
Les routes touristiques. Site Alsace-Tourisme.com
Comité régional du tourisme d’Alsace, Agences de développement touristique départementaux du Haut et du Bas-Rhin.
 

 

 

 

Huit routes touristiques « labellisées » sont recensées sur cette carte : Route des Vosges du Nord, Route des potiers, des villages pittoresques et des châteaux-forts, route des Vins, des Crêtes ou route Joffre, Route verte, route de la carpe frite. Encore cette carte semble-t-elle avoir oublié – une page du même site la mentionne - celle des Vosges centrales.
Des guides touristiques en imaginent encore davantage comme celui publié aux Editions Ouest France en 2007 : route de la bière (ou du houblon, selon) de la choucroute, du tabac, de l’Alsace romane…

L’exemple de la route des vins : une représentation interchangeable des paysages

« Un bout d’Alsace cossu et pittoresque, où l’on déguste de sublimes grands crus. Sans parler des paysages : des collines à perte de vue rayées par la vigne et, juste derrière, les Vosges. Grandiose ».
Alsace, (guide évasion), Hachette, 2011

JPEG - 582.4 ko
La route des Vins, croquis tiré du guide, Alsace, (Encyclopédies du voyage), Gallimard, 2010

 

 

 

 

 

 

 

 

Inaugurée en 1953, la route des vins parcourt le piémont vosgien du nord au sud sur environ 150 km et traverse une centaine de communes. Les guides touristiques lui consacrent systématiquement plusieurs pages. La beauté et la variété des paysages traversés est toujours énoncée sans que les images ou les descriptions n’en rendent vraiment compte. Seule l’illustration de type cartographique du guide Gallimard tente, sinon de faire ressentir les paysages singuliers du vignoble alsaciens, au moins d’en montrer l’organisation géographique.

 

 

L’exemple de la route des crêtes : route et panorama

La route des crêtes est aussi « incontournable [3] » que celle des vins. Construite pendant la guerre de 1914-18, elle est également chargée d’une valeur historique et symbolique. Donnant accès à de nombreux chemins de randonnées dans les Vosges, elle permet d’« admirer les Hautes Vosges, du massif du Donon au Ballon d’Alsace, ainsi que la plaine d’Alsace, la Forêt Noire et, bien plus loin, les Alpes [4] », et de voir l’Alsace telle qu’elle a toujours été représentée : en panorama.
Le guide Michelin ne s’y trompe pas en indiquant à ses lecteurs tous les panoramas accessibles : le Honeck « panorama exceptionnel sur les Vosges, du Donon au grand Ballon, sur la plaine d’Alsace et la Forêt-Noire… », le Grand Ballon « panorama prodigieux sur les Vosges méridionales, la Forêt-Noire et, par temps clair, le Jura et les Alpes », le sommet du Vieil-Armand « panorama sur la plaine d’Alsace, la chaîne des Vosges, la Forêt-Noire et les Alpes par temps clair ».

JPEG - 398.5 ko
Le Hohneck, vu de la route des crêtes, carte postale, Mulhouse-Dornach : Braun & Cie, environs de 1920
Une image à contre-courant : au lieu de montrer le panorama offert par le Honeck, la route est ici l’objet même de la représentation, signe de sa popularité après la Première guerre mondiale. La présence du bâtiment de l’hôtel vient encore affirmer sa vocation touristique.
Bibliothèque nationale de Strasbourg
JPEG - 83.4 ko
Panorama sur les ballons des Vosges à partir de la route de crêtes
Source : site tourisme.alsace.com
JPEG - 118.2 ko
Panorama sur les Vosges à partir de la route des Crêtes
Source : tourisme.alsace.com

Images d’aujourd’hui : deux photos panoramiques où l’ambiance, les couleurs, l’esthétisme dominent le paysage lui-même.

[1] Cité par Viktoria von der Brüggen, in : L’Alsace pittoresque, l’invention d’un paysage (1770-1870), Musée d’Unterlinden, Hazan, 2011, p.13

[2] Cité dans : L’Alsace pittoresque, l’invention d’un paysage (1770-1870), Musée d’Unterlinden, Hazan, 2011, p. 281

[3] « Vaut le voyage » pour le guide Michelin.

[4] Site Alsace-Tourisme.com

Pied de page

Site mis à jour le 16 février 2015
Plan du siteAuthentificationFlux RSS