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Les paysages vus par les photographes et des cinéastes
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La photographie et le cinéma ont renouvelé le regard sur les paysages. Souvent documentaires, moins attachés au pittoresque que la peinture, ils créent de nouvelles représentations des paysages alsaciens.
La photographie d’art et documentaire, la carte postale ancienne
Mission héliographique commandée par Mérimée en 1851 pour recenser les monuments remarquables, mission photographique de la DATAR mise en œuvre au début des années 1980 donnant l’occasion à des photographes de renom de porter leur regard d’artistes sur les paysages français, mise en place d’observatoires photographiques… la photographie est le média qui depuis le milieu du XIXe siècle crée les nouvelles représentations des paysages.
Si elle a longtemps été influencée par la peinture pour sa composition, ses sujets, la photographie s’en est peu à peu affranchie. Bien sûr, la montagne, le patrimoine… restent les principaux motifs, notamment au début du XXe siècle. Mais d’autres paysages sont aussi révélés, y compris par la carte postale : les bourgs, les campagnes, les villes sont présentés d’une manière à la fois plus réaliste et plus intime.
La photographie « savante » contemporaine, quant à elle, se détache résolument du pittoresque en prenant par exemple pour sujets la déprise industrielle ou les marges urbaines. Mais, malgré le talent de ses auteurs, cette photographie n’a encore qu’une la diffusion limitée si on la compare notamment à celle de l’imagerie touristique.
Un regard moins distancié, des paysages plus ordinaires
Sans négliger la « haute montagne » avec ses versants à pic, ses lacs, ses promontoires et les vues imprenables qu’elle leur offre, les photographes s’attachent aussi à en montrer d’autres caractères : hors des sites sublimes de la peinture, l’agriculture avec ses paysans, l’industrie sont partie prenante des paysages.
La montagne habitée
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Ces deux photographies de la fin du XIXe siècle issues d’un album consacré aux départements des Vosges et du Haut-Rhin montrent des paysages sans fard, pris de surcroît en hiver. Le chemin ou la route font partie du cadrage, les montagnes ne sont pas magnifiées pour elles-mêmes. Le photographe privilégie nettement un point de vue davantage ancré dans la réalité vécue, à hauteur d’homme.
Ces deux photographies dérogent en partie au grandiose et au pittoresque pour montrer des paysages vivants façonnés par l’économie. Les deux bourgs sont ici montrés non comme des images mais aussi pour leur activité économique, agriculture et petite industrie.
Les bourgs pour eux-mêmes
Les cartes postales inaugurent des vues plus rapprochées des bourgs et des villes, montrant souvent les habitants – qui sont aussi les acheteurs potentiels – dans leurs activités quotidiennes. Les abords des villages, les monuments, les rues constituent de nouveaux sujets de représentations à partir du début du XXe siècle.
Le bourg est montré dans ses abords. Le paysage environnant devient accessoire dans la composition de l’image jusqu’à presque disparaître dans le vue de Strueth.
Les places et les rues des villes ou des villages sont très souvent représentés par la carte postale ancienne. Les habitants peuvent ainsi y être mis en scène dans leurs activités quotidiennes. La maison à colombage devient à cette occasion davantage encore un des caractères identitaires des paysages urbains alsaciens.
Les paysages alsaciens des photographes contemporains : le quotidien
Les paysages alsaciens de Robert Doisneau
Robert Doisneau est invité, en 1945, à photographier l’Alsace. Ses clichés, jamais tirés et édités, ont fait l’objet en 2011 d’une exposition « Voyage en Alsace » organisée à la Maison de la Région.
Alors que l’Alsace vient juste d’être libérée, les photos de Doisneau s’attachent à montrer les Alsaciens dans leur cadre de vie, et en vie, dans des paysages intangibles et harmonieux, mais que l’on sait à peine délivrés de la guerre.
Voie planté, route à flanc de versant, ces deux photos évoquent, au-delà des éléments immuables des paysages alsaciens (arbres fruitiers, montagne, cueillette…), le mouvement de la vie. Si la composition graphique devient primordiale, le témoignage paysager n’en est pas moins présent.
Les paysages de la DATAR
En 1984, la DATAR met en œuvre une mission photographique qui vise à « constituer un fonds de séries photographiques qui permette d’analyser les mécanismes et les facteurs de transformations des espaces ainsi que les rôles des différents acteurs qui en sont la cause, de façon à orienter favorablement l’évolution des paysages ». Pour l’Alsace, la commande est passée au photographe Bernard Birsinger qui prend pour sujet la plaine.
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Les deux photographes nous proposent de regarder des paysages qui, jusqu’alors, n’avaient pas été représentés. Les paysages pittoresques et colorés sont complètement écartés au profit de la réalité moins aimable de territoires en friche ou en mutation : terre retournée, excavations, terrils, chemins d’exploitation, lotissements…
Les paysages de Raymond Depardon
Raymond Depardon a lui aussi été invité à photographier les paysages alsaciens. En 2007, une exposition rend compte de son travail. Il produit 16 photos grand format. Ses paysages évoquent souvent des situations où cohabitent, de manière parfois incongrues les attributs identitaires des campagnes et des bourgs et ceux de la modernité urbaine et périurbaine.
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Les paysages des observatoires photographiques
En Alsace, deux observatoires photographiques du paysage sont aujourd’hui en place : dans les Vosges du Nord et dans le territoire du parc naturel régional des Ballons des Vosges. Si l’objet est d’abord de mettre en évidence les évolutions des paysages en les photographiant à intervalles réguliers dans le même cadre technique (cadrage, période de l’année…), par le choix des lieux à observer, ils participent des nouvelles représentations des paysages, d’autant qu’on y voit peu de grands sites, mais plutôt les marges des bourgs et des villages, les campagnes davantage susceptibles d’être soumises à des dynamiques visibles.
L’Alsace, un décor de cinéma
Outre les grands films du patrimoine comme La Grande illusion de Jean Renoir tourné en 1937 ou encore Jules et Jim de François Truffaut en 1962, dont certaines scènes ont pour décor des éléments du patrimoine (le château du Haut-Koenigsbourg, la montagne du Vieil Armand…), L’Alsace a inspiré de nombreux metteurs en scène grâce à la variété des cadres et donc des paysages qu’elle peut proposer.
Une instance spécialisée de la Région – l’Agence culturelle Alsace [1] - a pour mission de valoriser cet atout. Son site Internet propose ainsi une galerie de photos de paysages naturels, patrimoniaux, urbains et industriels pouvant servir de décor au cinéma. Neuf catégories de « décors-paysages » y sont recensées : patrimoine industriel ; transport ; patrimoine historique ; vignoble et campagne ; montagne et forêt ; décors urbains ; villages et architecture traditionnelle, au bord de l’eau ; et extérieurs rue, proposant ainsi un portfolio des paysages alsaciens « vendables » pour des décors potentiels de fictions.
L’affiche originale du film de Renoir inscrit deux des archétypes des paysages alsaciens : la campagne peignée et doucement vallonnée que vient fermer la ligne des Vosges et le patrimoine défensif historique du château du Haut Koenigsbourg.
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L’agence propose un grand nombre d’exemple de sites représentatifs pouvant servir de « décors » au cinéma ou à la vidéo. l’audio-visuel. Hormis les sites industriels, les types de paysages proposés jouent sur les atouts classiques de l’Alsace : le patrimoine, les décors de rues anciennes de villages ou de villes idéales pour les reconstitutions historiques, les paysages « naturels » où la montagne est toujours sur-représentée.
[1] L’Agence culturelle d’Alsace est une association à but non lucratif financée par la région Alsace, les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, le ministère de la Culture et de la Communication par le biais de la DRAC Alsace.