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Les unités de paysages

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Représentations et images de la Bande Rhénane

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5 janvier 2014

De l’agglomération strasbourgeoise à la frontière méridionale de l’Alsace, le motif historique du fleuve domine les représentations. Pourtant celles-ci ont beaucoup évolué avec le temps : de pittoresque dans les images anciennes, le Rhin devient « moderne » et « industriel » dans la seconde moitié du XXe siècle, pour aujourd’hui être redéfini par les ambiances « sauvages » et préservées des réserves naturelles.

  Pittoresque et boisé : le Vieux Rhin

Les images anciennes du Rhin sont souvent génériques. La localisation précise du site a moins d’importance que la présence seule du fleuve dans le paysage. Les artistes abordent le motif sous deux angles principaux : l’ouverture du fleuve appréciée à partir d’un promontoire offrant des vues panoramiques et lointaines ; la nature et la sérénité de « micro-paysages » créés par les multiples bras et îles du Rhin encore « sauvage ». La représentation de ces paysages aux atmosphères boisées et humides est souvent associée à celle des oiseaux ou du gibier que l’on vient chasser.

Mai

Le joli mai en barque sur le Rhin
Des dames regardaient du haut de la montagne
Vous êtes si jolies mais la barque s’éloigne
Qui donc a fait pleurer les saules riverains
Or des vergers fleuris se figeaient en arrière
Les pétales tombés des cerisiers de mai
Sont les ongles de celle que j’ai tant aimée
Les pétales flétris sont comme ses paupières
Sur le chemin du bord du fleuve lentement
Un ours un singe un chien menés par des tziganes
Suivaient une roulotte traînée par un âne
Tandis que s’éloignait dans les vignes rhénanes
Sur un fifre lointain un air de régiment
Le mai le joli mai a paré les ruines
De lierre de vigne vierge et de rosiers
Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers
Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes.

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913

Panoramas sur un fleuve encore sauvage

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Peter Birmann (1758–1844), Vue sur la plaine du Rhin depuis le rocher d’Istein
Kunstmuseum, Bâle

Depuis la terrasse d’un belvédère aménagé, trois personnages contemplent un large panorama sur le Rhin. Principal motif du tableau, le fleuve, avec ses multiples méandres, bras et îles boisées, compose un paysage aquatique et naturel, support d’une intense rêverie. Seul à gauche, derrière le rocher, le village posté près du lit évoque une présence humaine active. L’artiste suisse Peter Birmann peint ici un paysage dans la pure tradition romantique.

« Quelques-unes de ces îles ne sont que de simples bancs de cailloux, souvent recouverts par les hautes eaux, sans végétation. D’autres plus étendues, séparées par des nappes d’eau larges et profondes, présentent des berges élevées et des plages de sable fin, de vieux saules séculaires aux souches rongées par les inondations, des bois touffus de chênes, des prairies dans les dépressions, des champs cultivés sur les hauteurs inaccessibles aux débordements. »

Charles Grad, L’Alsace, le pays et ses habitants, Hachette, 1906 [1]

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Frédéric-Emile Simon, Panorama des Vosges et du chemin de fer de Strasbourg à Bâle. Partie de Bâle à Saint-Louis et Mulhouse, prise de la cathédrale de Bâle, 1841
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

Depuis la cathédrale de Bâle, vers le nord, la grande plaine ouvre sur l’horizon des montagnes. Au premier plan, de part et d’autre du fleuve, les deux rives contrastent fortement. A droite, le village du Petit-Bâle, aux maisons alignées le long du fleuve, fait face à l’urbanisation plus étendue des faubourgs de Bâle et de Saint-Louis. Entre les deux, le Rhin, que le pont, à peine esquissé, permet de franchir, ouvre la perspective sur le paysage agricole et boisé de la plaine. Sur la rive gauche, au loin, un train fonce vers la ville.

« En ce qui concerne les beautés du paysage, sur la rive alsacienne, plus basse et plus plate, la scène présente moins de variété que sur la rive badoise, plus accidentée et plus montueuse. Petit-Kembs avec ses collines boisées, puis Bellingen offrent de charmants sites ».

Charles Grad, L’Alsace, le pays et ses habitants, Hachette, 1906

Paysages intimes des rives et des îles

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Charles Rouge, ill., Environs de Gerstheim
In : Alsace Illustrée, dessins et aquarelles de Charles Rouge
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg
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Charles Rouge, ill, Hutte de douaniers et hérons près de Gerstheim, 1866
In : Alsace Illustrée, dessins et aquarelles de Charles Rouge
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

Les paysages intimes des îles boisées et des rives naturelles ne semblent accueillir pour toute construction que des huttes, et pour habitants, que des douaniers, des oiseaux et du gibier.

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Charles Rouge, ill., Le Rhin près Gerstheim, 1866
In : Alsace Illustrée, dessins et aquarelles de Charles Rouge
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg
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Charles Rouge, ill., Le Rhin près Gerstheim, 1866
In : Alsace Illustrée, dessins et aquarelles de Charles Rouge
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

A pied ou en barque, le Rhin est un lieu de promenade, propice à la rêverie.

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Paul Langlois (ill.), Vue générale de l’établissement de pisciculture de Huningue
In : Charles Grad, L’Alsace : le pays et ses habitants, Hachette, 1889

Une image rare de la Bande rhénane dans laquelle les ambiances boisées qui environnent le fleuve occupent la place principale. Cela n’empêche pas pour autant l’illustrateur d’insérer son sujet dans un cadre géographique plus général (notamment en figurant la barre montagneuse qui ferme l’horizon) et ainsi de donner un aperçu assez vaste des paysages de cette partie du cours du Rhin. Cette image témoigne aussi du caractère pionnier de la pisciculture à Saint-Louis, qui en 1858, est le premier centre d’élevage de truites et de saumons d’Europe.

  Industriel et canalisé : le nouveau Rhin

Entre la fin du XIXe siècle et le milieu du XXe siècle, les images de paysages représentant le fleuve deviennent rares. Les grands aménagements qui ont domestiqué le Rhin et en ont profondément modifié le cours et les paysages sont peut-être responsables du peu d’appétence des artistes ou des photographes pour le sujet. Dans tous les cas, à l’exception de quelques cartes postales anciennes mettant en scène les ponts et la métaphore de la frontière, les paysages du fleuve eux-mêmes semblent avoir été oubliés.

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Roger Broders, Chemins de fer d’Alsace et de Lorraine, Le Rhin, sd
Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg


















Cette image touristique du début du XXe siècle se veut générique des paysages rhénans. Débarrassée de tous les caractères mythologiques ou romantiques associés au fleuve, elle décrit un paysage plus riant et modernisé, mais aussi plus banal. Ainsi, le flot du grand fleuve reste impétueux mais circonscrit, la présence de la ligne de peupliers associe la vallée à une campagne généreuse et domestiquée, l’horizon de la ligne bleue des Vosges cadre le tout… Autant de composantes qui tendent à faire des bords du Rhin une destination touristique normalisée.



Les ponts, un motif du Rhin

Les ponts sont des motifs privilégiés de la représentation des paysages des cours d’eau. Sur le Rhin d’autant plus qu’à la symbolique de la traversée s’ajoute celle de la frontière.

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Huningue : le Rhin (frontière franco-allemande), début XXe siècle
Archives départementales du Haut-Rhin, Cote : 9_Fi_0600
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Chalempé, carte postale ancienne, collection particulière

Le pont est le sujet principal de ces deux cartes postales anciennes. Le paysage du fleuve et des ses rives n’y tient qu’une place accessoire.

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Chalempé, carte postale ancienne, collection particulière

Cette image colorisée met volontairement en relation le pont qui enjambe le Rhin avec les reliefs de la Forêt Noire, de l’autre côté de la frontière, créant ensemble un paysage typique des bords du Rhin.

Le Rhin canalisé et industriel de la seconde moitié du XXe siècle

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Ottmarsheim, canal d’amenée et le Rhin, carte postale, seconde moitié du XXe siècle
Archives départementales du Haut-Rhin
Cote document : 9_Fi_2218
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Kunheim, carte postale, 2007
Archives départementales du Haut-Rhin
Cote document : 9_Fi_2650

Les aménagements spectaculaires effectués le long du Rhin ou sur son cours ont suscité des images de paysages bien différents de ceux représentés à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe. Ainsi, dans ces cartes postales, rien de poétique ni d’enchanteur, juste la représentation froide de paysages entrés dans la modernité.
L’image aérienne de droite, à Ottmarsheim, centrée sur l’ancien canal du Rhône au Rhin et le canal de Neuf-Brisach, relègue d’ailleurs le Rhin au loin, dans un horizon noyé dans la brume et les espaces boisés. Entre le canal et le fleuve, le jeu de contraste entre la couleur des toits et celle des cultures (de maïs ?) amène le seul motif de fantaisie à un paysage dont toutes les composantes semblent avoir été dessinées au cordeau.
A gauche, à Kunheim, le photographe semble avoir été plus sensible à la géométrie de la courbe du canal qu’aux ambiances des rives du fleuve.

« Avis aux amateurs de tourisme industriel, qui souhaitent associer promenade et découverte technologique ! En empruntant les circuits pédestres et cyclistes, au fil du Rhin, visitez les aménagements hydrauliques qui produisent l’électricité grâce au débit du fleuve. Le barrage de Kembs avec ses écluses, sa salle des machines ou son poste de commande permet de se faire une idée de la puissance de l’eau ! »

Site internet de l’Office du tourisme de Haut-Rhin, 2013

Après la Seconde Guerre mondiale, l’industrie et les aménagements ou équipements présents sur le fleuve monopolisent les représentations de la Bande rhénane. Ces cartes postales, destinées par définition à être diffusées largement, sont avant tout documentaires. Elles usent d’une esthétique de la technique, assez proche de celle des photographies illustrant les revues d’architecture ou d’ingénierie de l’époque. Les composantes géographiques, ou de l’ordre de la nature, sont quasiment occultées.

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Kembs, carte postale, années 1960, collection particulière
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Vogelgrun, carte postale, années 1960, collection particulière

Le paysage fluvial est ici montré dans son artificialité glaçante. Le dessin quasi-rectiligne du Rhin endigué est renforcé par la doublure de la ligne du canal. S’y ajoutent les droites de l’architecture du Mouvement moderne. A la différence des images d’Ottmarsheim centrées sur les écluses, ces deux cartes postales laissent cependant une place au paysage environnant : bois, cultures et ligne des Vosges fermant l’horizon.

  Le Rhin, des paysages artificialisés à ceux de la biodiversité

Si un tourisme est marginalement encouragé autour des installations industrielles et surtout hydroélectriques de la Bande rhénane, les images contemporaines de ces paysages restent sporadiques [2].
Les représentations contemporaines du Rhin délaissent les paysages des grands aménagements et équipements de la fin du XXe siècle. Les images nouvelles de la bande rhénane se tournent délibérément vers les réserves naturelles comme celle de la Petite Camargue alsacienne, à Saint-Louis, renouant ainsi avec les ambiances anciennes des paysages rhénans.

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Plan d’eau de Plobshein
Comité départemental du tourisme du Haut-Rhin
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Plan d’eau de Plobshein, CRDP Alsace
Photo : Giljean Klein

Entre le Rhin artificialisé des années 1960 et la nature retrouvée des réserves naturelles, ces deux images semblent faire état d’un paysage de transition. Le plan d’eau de Plobshein créé en 1970 par EDF, permet aussi aux habitants et aux touristes éventuels de pratiquer des activités de loisirs et de promenades que met en valeur sur son site le Comité départemental du tourisme du Haut-Rhin.

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Réserve naturelle de la Petite Camargue près de Saint-Louis, 2006
CRDP Alsace
Photo : Rémi Stosskopf, 2006
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Réserve naturelle de la Petite Camargue alsacienne
CRDP Alsace
Photo : Jean-Claude Spielmann
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Réserve naturelle de la forêt d’Erstein
CRDP Alsace
Photo : Giljean Klein
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Ile de Rhinau, balisage dans la réserve naturelle
Site Internet des Réserves naturelles de France
Photo : E. Hornier

Ces images des réserves naturelles présentes dans l’unité de paysage de la Bande rhénane sont aujourd’hui les principales représentations des ambiances du fleuve, de ses rives et de ses îles.

[1] Cet ouvrage est disponible sur le site Gallica.fr

[2] Alors que très peu d’images de la fin du XXe siècle font référence à la centrale nucléaire de Fessenheim, l’actualité autour de son démantèlement à fait surgir de nouvelles représentations du paysage spécifique dans lequel elle est insérée et qu’elle-même contribue à créer. _

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Site mis à jour le 16 février 2015
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