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Représentations et images du Piémont Nord
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Peu identifié par l’iconographie ou la littérature touristique, le Piémont Nord est généralement intégré aux ensembles voisins des Vosges du Nord, de l’Outre-Forêt, du Kochersberg ou, dans son diverticule sud, des Vosges moyennes.
Pourtant, les paysages des bourgs et des villages adossés aux horizons boisés des contreforts des Vosges sont parmi les plus archétypaux d’Alsace. Dans cet ensemble homogène de représentations, Wissembourg, Nierderbronn et Saverne que vient chapeauter le château du Haut-Barr, apparaissent comme les points de focalisation principaux de l’unité de paysage.
Comparés à ceux du Piémont viticole situé plus au sud, les paysages du Piémont Nord sont beaucoup moins représentés par la carte postale. Les images qui se concentrent sur les premières pentes des Vosges privilégient Saverne, notamment en raison de la présence du château du Haut Barr, site le mieux représenté de l’unité. |
Villages adossés au piémont : une uniformité des représentations
« Jusqu’à Saverne, la base des petites Vosges offre une série de jolis paysages ; des villages s’enchevêtrent dans la verdure. Dossenheim borde au sud la Zinsel qui s’échappe de la pittoresque vallée du Graufthall ; Ernolsheim s’allonge au pied d’une arête régulière ; Saint-Jean-des-Choux et Eckartswiller ne forment qu’une rue séparée par un plissement profond des pentes où Ottersthal se blottit dans un creux. A l’issue de la coupure la plus prononcée du système, celle de la Zorn, Saverne apparaît bientôt. »
Charles Grad, L’Alsace, le pays et ses habitants, Hachette, 1906 [1]
Uniformité des paysages et des représentations des villages accolés aux Vosges
Tout au long du XXe siècle, cartes postales et photographies présentent une image très homogène des villages et bourgs situés au pied des contreforts des Vosges.
Ces deux photographies du début du XXe siècle témoignent de l’invariance des composantes des paysages des villages des premières pentes du Piémont Nord. Vergers ou potagers en premier plan, village groupé installé à mi-pente rehaussé de son ou ses clochers, horizon du piémont boisé.
Dans des vues plus lointaines ou aériennes, les cartes postales de la deuxième moitié du XXe siècle reprennent à leur compte cette structure identifiable et identitaire des paysages du Piémont.
« La grande perspective offerte par l’ouverture du paysage donne à ces villages une impression de solidarité. Ils sont nombreux, le piémont étant la zone la plus peuplée du Parc. Leur silhouette varie en fonction de la localisation géographique. En lisière du massif boisé, les villages-rues se développent parallèlement à la pente. Au débouché des grandes vallées du massif boisé, ils ont une structure en forme d’étoile. »
In : Site internet du parc naturel régional des Vosges du Nord : les paysages, le piémont
Dans l’image de gauche, le champ cultivé, les arbres fruitiers, le village groupé autour de son clocher, le piémont boisé des Vosges qui ferme l’horizon : un archétype de la représentation des villages du Piémont Nord.
A droite, dans cette vue davantage centrée sur le bourg d’Offwiller, le photographe met en valeur le double effet de symbiose et de contraste qui naît de la confrontation entre la composition urbaine stricte (les maisons, les toits, l’église…) et les composantes « naturelles » (colline couverte de boisements serrés) auxquelles la ville est adossée.
Le motif du verger : une constante des paysages des villages du Piémont Nord
Qu’ils soient situés au pied des Vosges ou plus à l’est dans les collines sous-vosgiennes, le motif du verger est une composante essentielle des paysages du Piémont Nord et de ses représentations.
A Ingwiller, la présence des arbres fruitiers isolés au milieu des champs et des prairies crée une accroche au premier plan. Plus loin, le bourg d’où s’élèvent deux clochers et, plus étonnamment, une cheminée d’usine. Au fond, l’horizon est fermé par les reliefs des collines des Vosges qui se détachent sur le ciel.
Le bourg d’Oberbronn est ceint à la fois par une couronne de vergers et par la colline boisée au pied de laquelle il est niché, le tout donnant l’image d’un paysage immuable et protégé. La vue rend bien compte la particularité du site, au pied d’un versant raide.
Qu’elles soient anciennes ou plus contemporaines, au sol ou aériennes, les photographies ou cartes postales rendent compte de l’importance du verger dans la composition des paysages du Piémont Nord.
A Mietesheim, la route encaissée entre les deux talus et les vergers qui la bordent ouvre sur une perspective vers le village dont le clocher fait office de point de fuite. Les arbres, de chaque côté de la route, presqu’en alignements, marquent l’entrée du bourg.
Si à Goersdorf, la vue aérienne tend à aplatir les composantes du paysage, elle témoigne cependant à plus petite échelle d’une présence toujours forte des arbres fruitiers que l’on devine soit isolés dans les prairies, soit groupés dans des vergers plus ordonnés à la périphérie du bourg.
Morsbronn, situé entre les contreforts des Vosges et la plaine, apparaît ici comme un archétype du village alsacien : champs et prairies, vergers en frise autour du village d’où émerge le clocher… Seule la douceur de la colline à laquelle il s’adosse, en se substituant aux reliefs plus vigoureux et aux vallées encaissées de la barrière vosgienne, marque la différence entre les bourgs du centre de l’unité du Piémont Nord et ceux en contact direct avec la barrière des Vosges.
Saverne et le Haut-Barr : l’attrait des ruines
« Saverne occupe une des parties des Vosges où les châteaux ruinés sont le plus nombreux. Ces restes de forteresses accroissent la beauté du paysage, déjà fort remarquable par la noblesse classique de ses lignes, les formes des montagnes, la vigueur de la végétation. L’éperon qui ouvre vers le sud la rangée des monts porte une ruine illustre entre toutes celles de l’Alsace : le Hoh-Barr. Fièrement planté comme une sentinelle surveillant au loin la plaine, ce château des évêques, démantelé en 1650 en vertu d’un article du traité de Munster, a fière mine encore et mérite toujours, par son grand commandement, le nom d’œil de l’Alsace, qui lui fut donné jadis. Il n’en reste guère que l’enceinte et le donjon. Tout autour, des rochers de grès rouge que l’on escalade au moyen d’échelles constituent une suite de sites curieux ».
Charles Grad, L’Alsace, le pays et ses habitants, Hachette, 1906
« Entre sa forêt d’épineux, sa roseraie centenaire et ses deux cours d’eau miroitants – la Zorn et le canal de la Marne au Rhin -, Saverne est une invitation à la promenade et à la rêverie. Rien d’étonnant que le Club Vosgien ait inauguré ici sa florissante carrière ».
Guide évasion Alsace, Hachette, 2011
Saverne fait partie des sites « incontournables » ou « à voir » des guides touristiques sur l’Alsace. La ville y est surtout considérée pour son patrimoine architectural et comme point de départ d’excursions vers les Vosges ou les ruines des châteaux médiévaux situés à proximité. Les représentations de la ville ont sensiblement évolué depuis le XIXe siècle. Alors que dans les images anciennes, le Haut-Barr est un motif valorisé et valorisant du panorama de la ville et qu’il participe de son identification, aujourd’hui il est présenté comme un site patrimonial indépendant du paysage de la ville. Les photographies ou cartes postales contemporaines le montrent pour lui-même, dans des plans rapprochés. Mais le Haut-Barr est aussi un belvédère qui offre un panorama sur les Vosges, le Piémont Nord et le Kochersberg.
Le Haut-Barr et autres ruines médiévales : motifs de l’horizon de Saverne
Saverne est représentée ici dans un panorama unissant à part égale la ville, dans la moitié gauche de l’image et, à droite, les contreforts des Vosges dont les premiers sommets sont coiffés de châteaux défensifs, dont le Haut-Barr.
Dans cette gravure de la fin du XIXe siècle, toute à la gloire du chemin de fer, Saverne est également représentée dans son cadre de sommets boisés qu’animent les châteaux désormais en ruine. Malgré la volonté certaine de l’illustrateur de valoriser à la fois la modernité de la ville symbolisée par la gare, la locomotive entrant en gare, le faisceau des rails, et son patrimoine architectural avec, au second plan, le château de Rohan, c’est bien la force de la barrière vosgienne qui donne ici tout son caractère et son identité au paysage de la ville.
Saverne et le Haut-Barr dissociés dans les représentations contemporaines
Confirmant l’évolution initiée au XIXe siècle, les ruines continuent d’être représentées au XXe siècle pour elles-mêmes, encore davantage dissociées des paysages qui les entourent. Le Haut-Barr ne déroge pas à cette règle. Dès le début du XIXe siècle, de nombreux dessins et illustrations mettaient en valeur leur pur pittoresque. Mais ces images coexistaient avec d’autres représentations intégrant les ruines dans un paysage plus large. Aujourd’hui, le château n’apparaît plus que pour lui-même, sans faire référence à la ville.
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Mais le Haut-Barr est aussi un belvédère d’où l’on peut photographier de vastes panoramas vers les Vosges du Nord et la plaine d’Alsace. Les vues prises à partir de ce site sont nombreuses et contribuent à pérenniser l’archétype du paysage alsacien vu à partir des Vosges.
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Cette photo amateur prise du château du Haut-Barr participe des vues archétypales des paysages alsaciens depuis le contrefort des Vosges. Ce paysage est d’ailleurs « institutionnalisé » par la table d’orientation que l’on devine sur la gauche, en bas de la photo.
La Zorn et le canal, deux autres sujets de représentations de Saverne et de ses environs
De nombreuses représentations de la fin du XIXe siècle donnent une grande importance à la présence de la Zorn à Saverne et dans ses environs. Il en est de même des représentations contemporaines qui semblent néanmoins préférer le canal de la Marne au Rhin à la rivière dans son environnement « naturel ».
Dans l’image de gauche, sans doute non loin de Saverne, un viaduc ferroviaire vient animer la vallée au même titre que l’ouvrage militaire. Cet intérêt ancien pour les ouvrages d’arts dans les sites de vallées fait écho à celui porté aujourd’hui à la ligne LGV est.
A droite, on retrouve une représentation classique de la ville avec le château de Rohan et à l’horizon les reliefs des Vosges coiffés de ruines. Au premier plan, c’est bien pourtant le cours de la Zorn qui est mis en valeur. L’illustrateur suggère, par la présence de promeneurs et d’élégantes arrêtés sur le pont, que la rivière tient lieu aussi de promenade.
La persistance dans le temps des représentations du canal indique l’importance attachée à cette composante du paysage de Saverne. Autrefois, comme aujourd’hui, les photographes jouent de l’association « heureuse » entre la sèche minéralité de la ville et la vie du cours de la rivière, même canalisée.
Wissembourg, un Piémont Nord moins boisé et viticole
Wissembourg, davantage à distance des contreforts des Vosges que les villes de Saverne ou de Niederbronn, propose des représentations moins « typiques » du Piémont Nord.
Dans les images anciennes, le cadre agricole de la ville est préféré à celui du pittoresque des reliefs boisés. Les images contemporaines, comme souvent, mettent surtout en valeur le riche patrimoine architectural de la ville, mais aussi la présence résiduelle de la vigne, quasi-absente dans le reste de l’unité de paysage. La Lauter, dans son parcours dans la ville est également un motif bien présent dans les photographies anciennes et contemporaines.
Dans cette représentation du XVIIIe siècle, la ville comme les reliefs des Vosges sont représentés à distance. C’est le paysage agricole ordonné du premier plan que des arbres isolés viennent ponctuer qui focalise ici l’attention.
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La composition du paysage en plans successifs intégrant le vignoble, la ville nichée dans sa vallée, ses deux clochers, les reliefs doux du piémont vosgien… est devenue une des représentations les plus courantes de Wissembourg.
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La Lauter est un motif très présent dans les représentations contemporaines de la ville.
[1] Cet ouvrage est disponible sur le site Gallica.fr