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Les unités de paysages

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Représentations et images de Mulhouse et du Bassin potassique

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21 octobre 2013

Mulhouse et le bassin potassique sont associés à des images industrielles du passé. Peu de paysages au sens commun, mais des représentations d’usines, de fabriques et leurs cortèges de cheminées et de cités ouvrières. S’y ajoutent les représentations liées aux mines de potasse, très présentes dans les images anciennes et particulièrement dans les cartes postales, et pourtant disparues des guides ou sites touristiques contemporains. Pourtant, ces paysages miniers, en cours de patrimonialisation, objets de nombreuses recherches et de publications, attirent les photographes amateurs ou professionnels qui mettent en valeur leur esthétique propre.

  Mulhouse : des images anciennes de paysages industriels cadrés par les Vosges

« A la lisière de la Hart, nous trouvons Mulhouse, principal centre manufacturier du pays, situé à l’entrée du Sundgau alsacien. En descendant du chemin de fer, on aperçoit devant la station, de l’autre côté de l’ancien bassin du canal du Rhône-au-Rhin, en arrière et au-dessus des maisons du nouveau quartier de la ville, les flèches élancées du temple allemand et d’une église gothique, perdues ordinairement dans la brume formée par la fumée d’innombrables cheminées d’usines. Une grande activité règne partout dans les rues, en contraste avec le calme paisible des petites communes rurales que nous venons de parcourir. Peu de monuments anciens y attirent le regard, et la plupart des édifices modernes paraissent au service de l’industrie ou du commerce. »

Charles Grad, L’Alsace, le pays et ses habitants, Hachette, 1906.

Panoramas de cheminées et d’industrie

Avant l’essor industriel et textile de Mulhouse, la ville était représentée comme les autres cités alsaciennes, dans son paysage naturel et agricole prospère dont la ligne des Vosges constituait l’horizon. La transformation de Mulhouse en « capitale industrielle de l’Alsace » [1] au XIXe siècle modifie le regard sur la ville dont le développement est embrassé de plus loin et où le paysage agricole est remplacé par celui des usines et de leurs cheminées, et par les cités ouvrières.

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M. Merian, ill., Mulhouse, Vue générale, 1644
In : M. Zeiller und Matthaeum Merianum, Topographia alsatiae..., Francfort : W. Hoffmann, 1644, pl. (18b) ; NBI 1
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

Une vue classique issue de l’ouvrage du XVIIe siècle Topographia alsatiae dans lequel Mulhouse est représentée pelotonnée à l’abri de ses remparts. Maisons, grands bâtiments, tours et clochers élancés créent une silhouette qui se détache nettement sur l’horizon des Vosges. Entre les montagnes et la ville, les champs cultivés et les bois se partagent l’espace. Au premier plan, les lignes de vergers tirés au cordeau renforcent l’idée d’un paysage où l’homme et la Nature font création commune.

« Combien de gens vous disent « Oh ! Mulhouse, ville de fabriques, vilaines maisons grises, rien à voir. » N’écoutez pas les sots qui vous débitent pareilles sornettes. Certes le pittoresque fait défaut à Mulhouse, mais il n’y a pas de ville d’Alsace où les Français se sentent aussi aimés ; et d’ailleurs je vous certifie que, pour qui a la chance d’être mené aux bons endroits, il y a encore de bien jolies promenades, soit aux environs, soit dans la ville même. »

Masson-Forestier, Forêt Noire et Alsace : notes de vacances, Hachette, 1903 [2]

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A. Maugendre, lithogr., Mulhouse, Chemin de fer, C. Wentzel, 1850
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

Deux cents ans plus tard, au milieu du XIXe siècle, Mulhouse a perdu ses remparts et sa silhouette n’est plus dessinée par les clochers des églises mais par les fumées des industries en plein essor. Si le premier plan, occupé par un parc, reste bucolique sinon fantaisiste, la ville est montrée hors de tout contexte agricole. La campagne n’est même pas esquissée, la barrière vosgienne prend d’autant plus d’importance dans le paysage.

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R. Hoefle, ill., Johann Poppel, graveur, Vue de Mulhouse en Alsace, Lange G., 1852
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg
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Wachsmut, ill. et Couche, graveur, Mulhouse, Vue partielle, XIXe siècle
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

A gauche, Mulhouse se découvre à partir de ses environs, espace de transition et de chantier aux abords de la ville.
A droite, dans une vue plus rapprochée, l’artiste se met en scène en train de dessiner la ville. Il affirme ainsi le statut de paysage de Mulhouse dans l’assemblage de toutes ses composantes : le belvédère sur lequel l’artiste a posé son chevalet, le parc qu’il surmonte, les bâtiments austères qui introduisent et à la fois dissimulent la ville d’où n’émergent que le clocher de l’église et les cheminées des usines qui parfois dépassent la ligne de crête des Vosges.

Usines et cités ouvrières : un motif dominant

Les usines et les cités ouvrières de Mulhouse ont alimenté un large fonds d’images et de textes. Auteurs de guides ou voyageurs du début du XXe siècle, tous y consacrent des pages entières. Quant aux images, elles magnifient et glorifient la puissance industrielle de la ville, sa modernité et son souci d’humanisme social.

Usines
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J. Pedraglio, ill., Strasbourg : Fasoli C. et Ohlmann, 1854. Montage de trois gravures.
De gauche à droite, Établissement des Frères Kâchlin, toiles peintes ; Établissement Dollfus Mieg et Comp., filature et tissage ; Établissement Schlumberger fils et Cie. Filature et tissage.
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

Ces trois représentations d’établissements textiles situés à Mulhouse idéalisent le paysage industriel. Tout y est propre et rangé. Les usines, déconnectées de la ville, sont entourées de vastes « espaces verts », simulacres de parcs. Leur caractère industriel n’est vraiment identifiable que par les cheminées et leurs fumées.

Cités ouvrières

« On ne saurait quitter Mulhouse sans visiter les cités ouvrières au NE de la ville (…). Elles présentent deux groupes distincts, la vieille et la nouvelle cité ouvrière, placées sur les bords d’une dérivation de l’Ill, et forment une suite d’environ 1000 maisonnettes à simple rez-de-chaussée, ou avec un étage. Chacune de ces maisonnettes a son petit jardin et peut recevoir un ou deux ménages. Les cités ouvrières comprennent en outre un bâtiment avec chambres garnies pour les ouvriers célibataires. Entre les deux cités se trouvent une salle d’asile, un lavoir public, des bains, une boulangerie et un fourneau économique. »

Paul Joanne, Vosges, Alsace et Ardennes, Hachette, 1883 [3]

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J. Pedraglio, Ill., Cité ouvrière de Mulhouse, Engelmann, 1860
L’industrie transforme et crée le paysage de Mulhouse. Cheminées d’usines, bâtiments industriels et cités ouvrières marquent l’espace de leur omniprésence et manifestent le pouvoir des industriels sur le paysage et les habitants.
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

Les auteurs de guides ou de récits de voyage de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe plébiscitent les cités ouvrières construites par les industriels mulhousiens. De nombreuses pages leur sont consacrées ainsi qu’à leurs promoteurs dont l’humanisme est systématiquement valorisé. De nombreuses images illustrent cet enthousiasme.

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Meininger, (graveur), Mulhouse, cité ouvrière, 1860
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg
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Groupe de maisons ouvrières à Mulhouse
In : Charles Grad, L’Alsace, le pays et ses habitants, Hachette, 1906.

A l’image de l’industrie représentée comme un élément de paysage presque bucolique, les cités ouvrières sont montrées dans un ordonnancement rigoureux que les arbres et les jardins adoucissent. Sur l’image de gauche les cheminées fumantes insistent sur le contexte industriel. Sur l’image de droite, la maison ouvrière dans l’ombre de ses arbres ressemble presque à une maison de vacances.

Images contemporaines : d’abord le patrimoine bâti

Les images de la seconde moitié du XXe siècle ne représentent plus l’industrie – ou ce qu’il en reste, ni les cités ouvrières pourtant toujours là. Les cartes postales de cette période s’attachent davantage à l’univers urbain de la rue, à la mise en valeur des bâtiments anciens. Les plus récentes représentent aussi les attributs contemporains de la ville comme la tour Europe, construite en 1969 par l’architecte François Spoerry, … devient un des emblèmes de Mulhouse.

Aujourd’hui, le patrimoine industriel est redevenu un sujet d’intérêt et de représentations. Si le site Internet de la ville de Mulhouse et son office de tourisme n’en présentent que peu d’images, des promenades touristiques dans les différents quartiers de la ville et plus particulièrement dans les cités ouvrières sont organisées. Un circuit à vélo leur est aussi entièrement consacré, reflétant la valeur donnée de nouveau à ce patrimoine.

Les vues aériennes remplacent les panoramas
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Mulhouse, carte postale ancienne
Archives départementales du Haut-Rhin
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Mulhouse, panorama, carte postale, vers 1970-1980
Archives départementales du Haut-Rhin

Outre le fait que ces deux cartes postales, respectivement du début et de la fin du XXe siècle, montrent la modification radicale du tissu urbain de Mulhouse, elles témoignent aussi d’un changement de regard. La vue aérienne qui se substitue au panorama change le rapport au paysage. Alors que dans l’image la plus ancienne de la ville, les Vosges cadrent le paysage, la carte postale des années 1970 relègue la montagne à une composante accessoire.

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Panorama de Mulhouse, carte postale, fin XXe siècle
Archives départementales du Haut-Rhin



Cette carte postale multivues des années 1970 est représentative du changement des représentations de la ville. C’est le patrimoine bâti ancien qui est principalement montré aux côtés de quelques réalisations symbolisant son dynamisme, comme le palais des sports ou la piscine. Les cités ouvrières, les usines anciennes ou modernes sont oubliées.

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Mulhouse
Page du site PhotoAlsace.com. Photos de Jean Isenmann

Les images proposées par le photographe sont caractéristiques de la persistance de cette évolution des représentations du paysage mulhousien. Patrimoine ancien et architecture contemporaine dont la tour Europe est devenue l’un des emblèmes font aujourd’hui les paysages de la ville. Seule la photo du canal du Rhône au Rhin propose un autre aspect du paysage urbain.

  Les mines de potasse, un autre point de focalisation

« Le Bassin potassique alsacien, espace minier de plus de 20 000 ha, situé au sud de la Plaine d’Alsace, entre le Rhin et le massif vosgien, a été, plus qu’il ne demeure, un territoire à part entière. Son paysage (cités, terrils, chevalements, etc.), façonné par près d’un siècle d’exploitation minière (1904-2002), est l’un des derniers vestiges d’une histoire vécue par une communauté mise au service de la mine dans le cadre d’une organisation sociale mûrement pensée. Le paysage, « espace géographique que l’on peut voir depuis un certain point » (Lacoste, 2003), apparaît comme un marqueur pertinent de transformation identitaire et territoriale. »

François Besancenot et al. « Le paysage au service du territoire : l’exemple du Bassin potassique alsacien », Annales de géographie 1/2008 (n° 659), p. 54-71. [4]

Les mines de potasse sont une composante des paysages de l’unité. Pendant leur exploitation, elles furent présentes dans la photographie et la carte postale. Cependant, les images anciennes s’intéressent moins aux paysages qu’aux installations minières elles-mêmes, regardées le plus souvent sous un angle documentaire. Aujourd’hui, le patrimoine industriel et minier est devenu un enjeu de conservation et de mémoire ouvrière, et ces images anciennes sont de nouveau diffusées par la biais de sites Internet et de livres d’histoire. Cet intérêt n’a pourtant pas franchi le seuil des guides touristiques qui restent muets sur ce patrimoine. Toutefois, photographes professionnels et amateurs retrouvent aujourd’hui dans les paysages miniers des environs de Mulhouse, des motifs de paysage.

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A. Chagny, photogr. Environs de Mulhouse, Mines de potasse, Arlaud, 1932
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg
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Hansi, publicité pour la potasse d’Alsace
Photo : François Bonneaud

Plutôt que des paysages, ce sont surtout les installations minières qui sont représentées, comme ici sur cette photo du puit Rodolphe.
Cette publicité pour la potasse dissocie le produit de son paysage de production. La référence à une Alsace symbolique est préférée à celle de Mulhouse et ses environs. Les Mines de potasses ont largement usé de leur ancrage en Alsace pour valoriser leur produit [5].

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Ensisheim, mine de potasse, carte postale ancienne, collection particulière
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Wittelsheim, mine de potasse, carte postale ancienne
Archives départementales du Haut-Rhin

Ces deux cartes postales des mines encore en activité offrent un point de vue plus général sur le paysage créé par l’exploitation de la potasse dans le bassin de Mulhouse.

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Copie d’une page du site Internet de partage de photo Flickr sur les mines de potasses d’Alsace.
Les vestiges des sites et les installations des mines de potasse sont devenus un motif souvent esthétique pour les photographes professionnels et amateurs.
Flickr

  Des vues aériennes de cités et de lotissements

Dans les années 1960 et 1970, la carte postale rend compte, principalement par des vues aériennes, des transformations du bassin potassique. Ces images montraient aussi, incidemment, l’existence d’espaces agricoles par ailleurs absents des représentations anciennes ou contemporaines. Aujourd’hui, ces représentations des paysages urbains et péri-urbains ont totalement disparu.

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Illzach, Résidence du Cèdre, carte postale, collection particulière
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Illzach, carte postale, collection particulière

Deux représentations éphémères des nouveaux paysages de cités et de lotissements qui voient le jour à la périphérie des villes et des bourgs à partir des années 1960.

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Wittenheim, carte postale, collection particulière, première moitié du XXe siècle
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Wittenheim, carte postale, collection particulière, seconde moitié du XXe siècle

A gauche, Wittenheim est montré dans son environnement industriel de cheminées d’usines et de terrils. Malgré la présence de ces éléments a priori peu aimables, la photographie montre un paysage conservant sa logique industrielle et urbaine que le château au premier plan ancre dans l’espace.
Dans l’image de droite, la vue aérienne ne propose pas de point d’ancrage. Routes et maisons individuelles récemment construites ou en chantier semblent s’étaler dans un paysage que ni la route plantée ni la ligne de relief au loin ne réussissent à valoriser.

[1] Un des titres de chapitre de l’ouvrage de Charles Grad, L’Alsace, le pays et ses habitants, Hachette, 1906.

[2] Disponible sur le site de ressources en ligne de la BnF, Gallica

[3] Disponible sur le site de consultation en ligne de Bnf,Gallica

[4] Article en version complète disponible sur le site Cairn info
DOI : 10.3917/ag.659.0054

[5] Les images publicitaires de la Société des Potasses d’Alsace se référaient cependant davantage à la symbolique alsacienne (Costumes, cigogne, cathédrale de Strasbourg) qu’au bassin mulhousien. Voir à ce sujet un article consacré à la marque dans Saisons d’Alsace, n° 132, été 1996

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Site mis à jour le 16 février 2015
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