Malgré des espaces ruraux diversifiés où l’eau tient une place importante, des reliefs vallonnés favorables à la mise en images des paysages, quelques sites urbains remarquables, une partie du territoire inclus au parc naturel régional des Vosges du Nord…, l’Alsace Bossue est l’une des unités de paysages les plus pauvres en représentations, notamment anciennes. Ce déficit semble cependant vouloir être aujourd’hui compensé par des collectivités locales considérant leurs paysages comme une richesse économique et culturelle.

  Une Alsace Bossue pas toujours reconnue

Alors que l’Alsace Bossue est bien identifiée dans ses limites et dans ses caractères comme une « région naturelle d’Alsace », elle est souvent ignorée par la littérature touristique contemporaine. C’est le cas notamment des Guides Verts Michelin ; que ce soit dans leurs éditions L’Alsace et la Lorraine, ou L’Alsace et la Forêt-Noire, ils font l’impasse sur cette partie du territoire régional. Quand l’Alsace Bossue est considérée, les guides soulignent l’originalité de sa situation « une région à part, avancée alsacienne en terre lorraine  » et de sa culture « terre de brassages de nationalités et de confessions [1] », sans pour autant en donner des images.

Les guides anciens, notamment ceux du début du XX^e siècle, avaient pourtant bien noté l’originalité de ses paysages.

« Le pays est de plus en plus lorrain par l’aspect ; il ne ressemble en rien au reste de l’Alsace. Les forêts font place à des bois de hêtres d’étendue médiocre, les pentes se couvrent d’arbres fruitiers, quetschiers et cerisiers. Peu à peu les pentes s’abaissent encore au-dessus de la rivière pure et sinueuse, coulant entre les saules au travers des prés. Les villages se suivent, très rapprochés ; le dernier, Oermingen, allonge une bande de toits bruns dominée par les temples des deux cultes. Au-dessous la vallée s’ouvre, très large, vers la Sarre, la rive droite de l’Eichel formant jusqu’au confluent la limite entre la Lorraine et l’Alsace. »

Victor Ardouin-Dumazet, Voyage en France, 3^e édition Berger Levrault, 1919

Il semble également que les paysages de l’Alsace Bossue aient peu intéressé les artistes. Sauf exceptions, elle n’est représentée qu’au travers de cartes postales (par ailleurs peu nombreuses).

  Sarre-Union : une capitale discrète

Cette représentation « artistique » est une exception. Elle montre l’organisation du paysage de la ville neuve de Sarre-Union : un bourg groupé sur le rebord du coteau qui domine la Sarre, figurée au premier plan. L’artiste met en valeur l’espace dégagé entre la rivière et la ville occupé par des vergers et des prairies.

« Celle-ci [Sarre-Union] est restée divisée en deux parties bien distinctes ; la fusion décidée par la Révolution n’a pas modifié l’aspect de la cité ; d’ailleurs la Sarre coule dans un pli trop profond et mouillé pour que l’espace entre les collines ait pu être rempli par des maisons. Bouquenom, quartier le plus vivant, ne ressemble guère à Neu-Saarwerden, la ville neuve comme disent les habitants qui continuent à parler français. Le premier est industriel, le second demeure rural, plus citadin, cependant par l’aspect extérieur, à cause de la régularité de sa masse et de ses constructions. »

Victor Ardouin-Dumazet, Voyage en France, 3^e édition Berger Levrault, 1919

Ces deux cartes postales présentent pour le même site de Sarre-Union deux représentations très différentes. A gauche, le photographe construit un paysage classique de l’Alsace : un verger ouvre une vue plongeante sur le bourg groupé autour de son cocher. Sa silhouette se détache sur un horizon doucement vallonné et cultivé.
A droite, cette carte postale plus ancienne propose une vue sur la Sarre bordée par les grandes bâtisses d’un moulin. Derrières elles, une cheminée d’usine renforce l’ambiance industrielle de cette partie de la ville en bordure de la rivière.

Image rare, cette carte postale colorisée présente la principale ville de l’Alsace Bossue dans son paysage. Au premier plan, la rivière, la Sarre, élément de composition parmi les plus importants de la scène, anime et caractérise le paysage de la ville.

Le pittoresque des bourgs et des villages de vallées

« La Sarre, élargie, scintille au milieu d’un immense bassin de prairies appelé la Honaux ou Honau, étendu de Saar-Union à Sarralbe. La rivière, formant des îles, frôle les maisons de Willer, hameau de pittoresques maisons de poutrelles. Sur l’autre rive, la grêle flèche de Schopperten surgit des toits. »

Victor Ardouin-Dumazet, Voyage en France, 3^e édition Berger Levrault, 1919

Deux cartes postales anciennes figurant deux « sites pittoresques » à Diemeringen. Cette qualification tient certainement à la présence de l’Eichel, affluent de la Sarre qui traverse la ville. Les ponts et les maisons, directement en contact avec la rivière aux berges plantées, composent ensemble le paysage urbain du bourg. Au centre de l’espace public, l’alignement d’arbres délimite la rue et la rivière en formant une symétrie originale.

Oermingen, dans la vallée de l’Eichel, et Herbitzheim, dans celle de la Sarre sont représentées ici dans leur contact avec le cours d’eau qui les traversent. Avec l’église (ou le temple) dont la position dominante est accentuée par la prise de vue en contre-plongée, la rivière et le pont sont les principaux motifs du paysage urbain.

  Quelques images de campagne

L’essentiel de l’espace de l’Alsace Bossue est voué à l’agriculture et à l’élevage, mais peu d’images anciennes ou contemporaines rendent compte de ces paysages de campagne. Quelques cartes postales en donnent des représentations : avant les années 1960, ce sont des vues traditionnelles où le village et le bourg sont photographiés au centre de leur finage, plus tard, ce sont majoritairement des vues aériennes par lesquels les paysages sont vus de loin, de haut, le plus souvent sans émotion.

L’alternance des cultures sur les champs en lanières crée, sur les ondulations marquées du relief, des effets et des mouvements graphiques qui donnent tout leur caractère à ces paysages de l’Alsace Bossue. La photographie d’Herbitzheim met surtout en valeur la présence des arbres isolés qui ponctuent la couronne cultivée du bourg bien dessinée.

Moins « paysagères » que documentaires, ces cartes postales aériennes révèlent surtout la vaste étendue des surfaces agricoles de l’Alsace Bossue. Elles rendent compte également de l’importance de la relation spatiale entre l’espace bâti et la campagne qui l’entoure. Alors qu’à Butten (à gauche) et à Mackwiller (à droite), les villages restent groupés, à Diemeringen (au centre), aux côtés du bourg ancien situé au fond de la vallée de l’Eichel, s’est développée une grande zone pavillonnaire qui, au premier plan, rompt l’équilibre général du paysage.

  Des images contemporaines comme nouvelles images de référence

Grâce notamment aux photographes amateurs ou professionnels, et grâce au travail des collectivités locales pour développer leur territoire, les paysages de l’Alsace Bossue semblent mieux représentés et connus aujourd’hui qu’hier.
Sur son site alsace-photos.com, le photographe professionnel Jean Isenmann propose 35 photos de l’unité de paysage. Le site de la chapelle de Kirchberg à Berg, devenu depuis peu emblème de la région, y tient une grande place : plus de la moitié des photographies lui est consacrée…

Les autres photographies se concentrent surtout sur le patrimoine religieux. Le paysage, sauf s’il sert de cadre au patrimoine, n’est que très peu représenté.

Certaines images de l’Alsace Bossue prises par des photographes amateurs témoignent d’une véritable sensibilité aux composantes et à esthétique du paysage. Ici, les arbres d’alignement soulignent délicatement la courbe de la route qui traverse la campagne. Au premier plan, les lignes claires des jeunes semis répondent à celles plus sombres dessinées dans le ciel par les houppiers des arbres. Le photographe a pris manifestement un réel plaisir à jouer de ces effets de lignes et de courbes, qui font le caractère de ce paysage de l’Alsace Bossue.

  Le paysage institutionnel

« L’Alsace Bossue, en partie située dans le parc naturel régional des Vosges du Nord, marque la transition entre la forêt sur sol gréseux et le plateau lorrain. Ses paysages vallonnés, ses villages nichés à flanc de colline et ses vergers sont autant de caractéristiques qui confèrent à cette région toute sa splendeur. »
« Les richesses naturelles, historiques et architecturales de la commune d’Adamswiller, représentatives de l’Alsace Bossue, méritent leur mise en valeur.  »

In : Grès et Paysages d’Alsace Bossue, sentier de découverte d’Adamswiller, parc naturel régional des Vosges du Nord, sd

Sous des angles et des modalités différents, le PNR des Vosges du Nord pour les communes de l’Alsace Bossue faisant partie de son périmètre, la communauté de communes d’Alsace Bossue et son office de tourisme, font du paysage un sujet de communication.

Sentiers de découvertes, visites guidées « A travers les paysages de l’Alsace Bossue », « Grange des paysages »… contribuent à créer les nouvelles représentations de ce territoire qui jusqu’à présent était resté un « pays secret ».

Ce paysage illustre la page d’accueil du site Internet de l’office du tourisme de l’Alsace Bossue : un village groupé autour de son église ou de son temple, développé le long d’une rue ou d’une vallée, entouré de champs et de prairies que ponctuent de nombreux fruitiers en alignement ou isolés… : une vision qui se veut représentative – le village n’est ni nommé, ni situé - des paysages d’Alsace Bossue.

« Le Kirchberg est un haut-lieu et site phare de la région, probablement un des premiers lieux de culte chrétien de la contrée. Le clocher rond de la chapelle érigée à l’extrémité du promontoire à 348 m, sur la ligne de partage des eaux entre le bassin versant de la Sarre et celui de l’Eichel, pointe fièrement sa flèche vers le ciel. Sous le grand tilleul, une vue panoramique s’offre à vous. »

Site Internet de l’Office de tourisme de l’Alsace Bossue

La chapelle de Kirchberg est le nouvel emblème des paysages de l’Alsace Bossue.