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Représentations et images du Sundgau

Dans la littérature ancienne et contemporaine, le Sundgau désigne globalement le « midi de l’Alsace ». Mais les descriptions privilégient davantage les paysages du Jura alsacien, les plus au sud, dont les reliefs et les ambiances semblent plus propices à la production d’images [1]. Aussi, exceptée la ville d’Altkirch, bien identifiée, et malgré l’ancrage du peintre alsacien Jean-Jacques Henner à Bernwiller, le Sundgau reste assez peu décrit et ses paysages sont difficiles à appréhender à partir de représentations anciennes ou contemporaines.

Images anciennes

« A moitié chemin de Mulhouse à Belfort, un quart d’heure avant de traverser le viaduc de Dannemarie, vous voyez Altkirch, le chef-lieu du Sundgau, perché sur une colline au sud de la voie ferrée. Le clocher de l’église pointe sa flèche dans le ciel au sommet de la colline, dont la petite ville couvre les versants. Entre cette colline et la station du chemin de fer, élevée elle aussi au-dessus du fond de la vallée de l’Ill, passent cette rivière et la route de France.
(…)
Tout le bassin supérieur de l’Ill, y compris la vallée de la Largue, dont les eaux se déversent dans l’Ill en aval d’Altkirch, constitue une région ondulée, formée de collines et de plateaux. C’est le haut Sundgau, pays éminemment agricole, presque sans industrie manufacturière. »

Charles Grad, L’Alsace, le pays et ses habitants, Hachette, 1906. [2]

Focus sur Altkirch

« Nous ne quittons pas encore Mulhouse, mais aujourd’hui il y fait trop chaud. Allons prendre l’air à Altkirch, à moitié route de Belfort, à dix-huit kilomètres de la frontière française, est une petite ville de trois mille cinq cents habitants, en amphithéâtre sur une colline au pied de laquelle coule l’Ill, cette coureuse qui s’en va vagabonder jusqu’à Strasbourg avant de se décider à rejoindre le Rhin. Ici les Vosges sont finies.
Une région agricole, très pittoresque va commencer où l’on peut vivre à bon compte et trouver à l’infini de riantes promenades. »

Masson-Forestier, Forêt Noire et Alsace : notes de vacances, Librairie Hachette, 1903 [3].

Altkrich, que ce soit dans les guides anciens ou contemporains, est le site qui bénéficie le plus d’images et de descriptions. Considérée comme la capitale du Sundgau, sa situation sur une cluse de l’Ill, son patrimoine architectural en font un point de focalisation du Sundgau.

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Jean-Martin Weiss, Altkirch, Vue générale
In : Alsatia illustrata : Celtica Romana Francica (vol. 2) de Jean-Daniel Schärpflin., Colmar : Typographia Regia, 1751, p. 34 ; NBI 1
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

Une représentation classique issue de l’album Alsatia illustata datant du XVIIIe siècle : Altkirch est représentée ici dominant sa campagne dont les champs sont rigoureusement dessinés et parfaitement cultivés. L’illustrateur, en mettant en valeur le site de petit promontoire sur lequel Altkirch est installé, fait l’impasse sur la présence de la vallée de l’Ill, et sur l’horizon des montagnes vosgiennes pourtant peu distant.

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A. Bertrand (graveur), Altkirch, vue générale, 1889
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg
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Altkirch
Carte postale ancienne, Début XXe siècle
Archives départementales du Haut-Rhin

La gravure de gauche, datant de la fin du XIXe siècle, inscrit Altkirch dans son paysage proche et lointain en privilégiant – à l’inverse de la gravure précédente - une vue plongeante sur les douces ondulations des collines cultivées ou boisées enserrant la ville, et l’horizon des reliefs des Vosges qui ferment la composition d’ensemble. La ville, dominée par son église que l’on devine installée sur un promontoire au-dessus d’une vallée, est précisément représentée. L’auteur, par le choix du cadrage, la présence rassurante des personnages au premier plan, nous rend ce paysage d’Altkirch et du Sundgau accessible et accueillant.

Mise en valeur du promontoire et des collines qui enserrent Altkirch : la carte postale à droite montre la continuité des représentations du paysage de la ville. La différence avec la gravure du XIXe siècle réside surtout dans l’effacement de la campagne.

Des images de campagne et de villages peu différenciés

Les représentations anciennes ne font que peu de part aux paysages de campagne du Sundgau. Il semble qu’il s’agit davantage de montrer l’activité agricole en elle-même que les paysages qu’elle crée.

Une campagne indistincte
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Henri Zuber, Moissonneurs à Feldbach, 1889
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg
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Aspach
Carte postale ancienne
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

Alors que la gravure situe son sujet à Feldbach, dans le sud de l’unité de paysage, et la photographie à Aspach-le-Haut, en limite des Hautes-Vosges, ces deux images montrent des paysages semblables et indifférenciés : un grand champ cultivé plat sur un horizon à peine esquissé d’où n’émergent que de petites figures verticales. Entre ces paysages de plaine et les reliefs accentués du site d’Altkirch, le Sundgau apparaît ainsi dans sa grande diversité.

Des villages réduits aux maisons à colombages

Que l’on soit dans le Sundgau ou ailleurs, les images de maisons typiques alsaciennes résument souvent l’intérêt porté aux paysages. Les deux cartes postales suivantes sont l’expression de cette tendance parfois paradoxale comme dans la photographie d’Hirtzbach dont la légende évoque le paysage « riant de la haute vallée de l’Ill » sans rien en montrer.

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Gommersdorf, type de maisons alsaciennes, carte postale ancienne, 1917
Les maisons à colombages : dans le Sundgau ou ailleurs, une constante des représentations des paysages alsaciens.
Archives départementales du Haut-Rhin
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A. Chagny, Hirtzbach : le village, 1932
« Le village occupe un site riant de la haute vallée de l’Ill, dans un vallon parcouru par un de ces ruisseaux qui descendent des bois vers la rivière. Une église moderne et le château de la famille Reinach complètent un paysage d’un charme pénétrant ».
Légende originale de la photographie
In : Visions de France. Haute-Alsace de A. Chagny. - Lyon : Arlaud G.L., 1932, (pl. 6)
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

Les villages pris dans la Grande Guerre

La Première Guerre mondiale a produit un fonds abondant de photographies. Dans le Sundgau, de nombreux villages proches ou sur la ligne de front, plus particulièrement ceux situés à la frontière du département des Vosges, ont été photographiés à cette période. Lieux d’accueil des armées en cantonnement ou zones de combats, ces villages n’existent souvent dans la carte postale ancienne et parfois contemporaine que par la guerre. Cette thématique est toujours présente dans les représentations contemporaines, notamment par le biais de circuits de randonnée comme celui du Haullenwald balisé par le Club vosgien [4].

« Douze ans se sont écoulés depuis que les pages précédentes ont été écrites. L’Alsace est redevenue française après plus de quatre années de souffrances causées par l’aggravation du joug allemand ; mais le pays fut en grande partie épargné par les hostilités elles-mêmes. Seule la Haute-Alsace, dans les régions de Mulhouse et du Sundgau, le débouché de la vallée de la Thur, la haute vallée de la Fecht, et les crêtes vers le Bonhomme et le col de Sainte-Marie, ont été le théâtre de luttes intermittentes, qui prirent parfois une extrême violence et furent, au début, de véritables batailles. »
Ardouin-Dumazet, Voyages en France : les provinces délivrées, Haute-Alsace, Berger-Lervrault, 1919 [5].

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Guerre 1914-1916 - Balschwiller, rue du village
In : La Guerre européenne 1914-1916 en Alsace, 1916
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg
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Fulleren : rue principale, carte postale ancienne
Archives départementales du Haut-Rhin

Chacune de ces photographies fusionne le thème, devenu identitaire, de l’architecture des villages et celui de la guerre, uniquement évoquée ici par la présence discrète de soldats. Elles condensent ainsi une partie des images mentales associées à l’Alsace.

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Guerre 1914-1916 ; Eglingen bombardée par les Allemands...
In : La Guerre européenne 1914-1916 en Alsace, 1916
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg
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Montreux-Jeune, carte postale ancienne, collection particulière, 1914

Les destructions, les lieux de mémoire participent aussi à créer des images mentales de l’Alsace. Dans le Sundgau, ce sont des thèmes très présents dans les fonds de cartes postales anciennes.

La référence au peintre Henner (1829-1905)

Le peintre Henner, célèbre notamment pour son tableau allégorique L’Alsace : elle attend, est né dans le Sundgau, à Bernwiller. Il peint de nombreux paysages aux alentours de sa maison natale devenue elle-même un sujet de représentation. Ses paysages sont moins des images réalistes que des rendus d’ambiances où les arbres et l’eau jouent un rôle important.

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Jean-Jacques Henner, L’Alsace : elle attend.
Paris, Musée national Jean-Jacques Henner
RMN
 











« Il était Alsacien. Il avait connu le pas lourd des armées piétiner la poitrine de son pays. Il avait ressenti, jusqu’à en être brisé, les effarements de l’invasion et les affres de la défaite […] C’est tout son cœur qui a parlé dans cette œuvre gracieuse et pure [6] »
(Jules-Antoine Castagnary, Le Siècle, 31 juillet 1871).
 

Commandé par des femmes d’industriels de Thann, pour être offert à Léon Gambetta, ce tableau a symbolisé, après l’annexion par l’Allemagne, l’image de l’Alsace perdue.

« Dans le contexte d’exacerbation du patriotisme qui a suivi la défaite, le tableau de Henner est devenu emblématique de la souffrance de l’Alsace, douleur qui était aussi celle d’un peintre très attaché à sa terre natale » [7].

« Cet amour du pays natal porte sa trace dans son œuvre. Car on ne se doute guère que les simples et grandioses paysages qui enveloppent ses bucoliques sont empruntés aux environs de Bernwiller. »

Léonce Bénédite dans La Gazette des Beaux-Arts (1er janvier 1906)

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Jean-Jacques Henner, Vue de Bernwiller dans les arbres, 2e moitié du XIXe siècle
La notice détaillée de ce tableau indique qu’il s’agit « d’une vue du village de Bernwiller (entouré de vergers) prise du Kleine Wase, promenade favorite de l’artiste » ( site Internet du musée national Jean-Jacques Henner
http://www.musee-henner.fr
Paris, musée national Jean-Jacques Henner
© Claire Bessède

L’abbaye de Oelenberg, un motif patrimonial du Sundgau

Dans les images anciennes ou plus contemporaines, l’abbaye de Oelenberg est bien considérée comme un motif de paysage. L’emprise de l’abbaye dans le territoire motive la prise de vue photographique aérienne qui montre l’inscription de l’ensemble architectural dans son environnement cultivé.

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Reiningue : Oelenberg, carte postale ancienne, 1904
Archives départementales du Haut-Rhin
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Reiningue : Oelenberg, vue du sud, carte postale ancienne
Archives départementales du Haut-Rhin

A gauche, la gravure inscrit délibérément l’abbaye dans un paysage de campagne jardinée que de nombreuses figures d’arbres dispersés animent. A droite, l’abbaye est représentée en silhouette dans la tradition des images des villages alsaciens.

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Reiningue, abbaye d’Oelenberg, carte postale, collection particulière, années 1970-80
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Reiningue, abbaye d’Oelenberg, carte postale, collection particulière, années 1970-80

Ces deux cartes postales aériennes permettent de découvrir le paysage tel qu’il se présente autour de l’abbaye, en limite de la plaine de Mulhouse. Des champs ouverts que délimitent parfois quelques rangées d’arbres.

Le viaduc de Dannemarie, un autre motif du Sundgau

Le viaduc ferroviaire de Dannemarie est un motif récurrent des représentations des paysages du Sundgau.

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Barclay, Viaduc du chemin de fer de Dannemarie, 1889
In : Charles Grad, L’Alsace : le pays et ses habitants, Hachette, 1889
Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg
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Le viaduc de Dannemarie, carte postale ancienne, collection particulière
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Le viaduc de Dannemarie
Office de tourisme du Sundgau
http://www.sundgau-sudalsace.fr/

Dans ces trois images qui se succèdent sur plus d’un siècle, on remarque la constance de l’intérêt porté à l’inscription de l’ouvrage d’art dans le paysage. La ligne de l’architecture du viaduc se fond dans les lignes courbes des reliefs de cette partie du Sundgau.

Représentations contemporaines

Les guides de tourisme décrivent peu les paysages du Sundgau. S’attachant surtout à la ville d’Altkrich ou aux possibilités de promenades offertes notamment par le canal du Rhône au Rhin, ils n’en montrent que peu d’images.
En revanche, le site de l’office du tourisme du Sundgau propose une galerie de photos de paysages toujours montrés dans leurs caractères « naturels », ruraux et patrimoniaux. De belles images, moins documentaires qu’esthétisantes, classées sous les thèmes « vues du ciel », « paysages du Sundgau », « bouger dans le Sundgau » et « villes et villages ».

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Extrait de l’album photo « paysages du Sundgau » sur le compte flickr.fr de l’office de tourisme du Sundgau
http://www.flickr.com/photos/tourismesundgau/sets/72157626447455352/

[1] Le Jura alsacien, souvent compris dans l’ensemble plus vaste du Sundgau, est défini dans l’atlas comme une unité de paysage à part entière. Ses représentations seront donc traitées spécifiquement.

[2] Cet ouvrage est disponible sur le site de la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France (Bnf) gallica.bnf.

[3] Cet ouvrage est disponible sur le site de la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France
(Bnf) gallica.bnf.

[4] Voir le site de la communauté de communes du secteur d’Illfurth : http://www.cc-secteurdillfurth.fr/tourisme/patrimoine-militaire.htm

[5] Cet ouvrage est disponible sur le site de la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France (Bnf) gallica.bnf.

[6] Commentaire contemporain à la présentation du tableau de Jean-Jacques Henner, L’Alsace. Elle attend.

[7] Citation extraite du site l’Histoire par l’image consacré au tableau de Henner.
http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=795&d=11&m=alsace