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Dynamiques et enjeux paysagers dans l’Outre-Forêt

DYNAMIQUES PAYSAGERES DANS L’OUTRE-FORET

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Outre-Forêt minute de la Carte d’Etat-major IGN 1830
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Outre-Forêt photo aérienne IGN 1951
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Outre-Forêt photo aérienne IGN 2010

Une mutation agricole qui transforme radicalement le paysage dans l’après la guerre

La carte d’Etat-major révèle une occupation du sol intimement liée à la topographie, où chaque parcelle est mise en valeur. Jusqu’aux années 1950 la différence de valorisation des fonds de vallons apparait très distinctement avec un contraste de répartition entre prairies et cultures très net. En 2010 cette différence a disparu totalement par endroit au profit des cultures, tandis que ponctuellement un abandon des fonds humides contribue à leur enfrichement et à l’apparition de petits boisements, inconnus dans le paysage jusque-là. Le parcellaire en lanière s’est considérablement simplifié en s’adaptant à la traction mécanisée, le paysage semble avoir changé d’échelle.

La raréfaction des arbres d’alignement

Les alignements d’arbres étaient structurants dans le paysage des années 1830. Ils ont quasiment disparus aujourd’hui, ne subsistant plus que sous la forme de reliques discontinues.

Des villages qui ont relativement peu évolués

Les extensions urbaines sont restées très modérées en comparaison avec la situation bâtie de 1830. La faible part des extensions récentes ne met pas en péril l’identité globale des villages de l’Outre-Forêt. Evidement les périphéries des villages ont évoluées avec l’apparition de bâtiments agricoles et de quelques maisons. Les couronnes de prés et de vergers, figurées sur la carte d’Etat-major, qui ceinturaient les villages sont moins importantes et moins homogènes aujourd’hui.
Les évolutions urbaines des villages de l’Outre-Forêt sont de deux ordres :

1 - les premières extensions de village (années 1920-1980), se sont installées principalement dans le village, par un processus de densification ou en ceinture. Les jardins et vergers ont alors servi de « réservoir » foncier. La typologie urbaine est caractéristique de cette époque : des maisons qui conservent le pignon sur rue (de proportion plus carré), ainsi que la séquence d’entrée sur la façade latérale. La maison se place alors en retrait de la rue créant un « vide » entre la rue et la façade.

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Les premières extensions de village (années 1920-1980), se sont installées dans le village, par un processus de densification ou d’extension en ceinture

2 – Les extensions urbaines récentes , bien que contenues, s’organisent sous la forme de lotissements, sur un parcellaire de forme carrée, redécoupé à partir des parcelles agricoles en lanières. Ces nouveaux tissus urbains n’entretiennent plus de connivence avec la forme urbaine héritée du village ancien : rupture des mitoyennetés, des séquences d’accès... L’architecture des habitations s’essaie à tous les styles, les volumes s’affranchissant des finesses d’implantation et de proportion issues de l’architecture vernaculaire. La rue se banalise, l’espace public n’est alors plus tenu par les façades des habitations de part et d’autre (front bâti discontinu le long de la rue). Le vide résultant autour de la construction devient jardin.

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Ici, à Schleithal, les volumes des extensions du milieu du XXe siècle conservent le pignon sur rue.
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Les secteurs d’habitat récent se caractérisent par leur forme urbaine discontinue et beaucoup moins dense que celle des tissus bâtis traditionnels, ainsi que leur volumétrie disparate. Ici, une opération de lotissement à Schleithal.

Une perception de l’espace public qui se dilate
Du tissu urbain traditionnel aux extensions récentes, la perception de l’espace public se modifie. Ici, les exemples pris à Hoffen et Schleithal démontrent l’évolution des proportions entre espaces bâtis et non bâtis. Si l’espace public de la rue conserve ses proportions, la banalisation de l’implantation des constructions sur la parcelle entraine un élargissement de l’ « ambiance rue ».

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La banalisation de l’implantation des constructions sur la parcelle entraine un élargissement de « l’ambiance rue ».


ENJEUX PAYSAGERS DANS L’OUTRE-FORET

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Outre-Forêt bloc-diagramme enjeux paysagers

Maintenir une diversité dans les paysages de grandes cultures

La majeure partie des étendues de l’Outre Forêt est dédiée aux grandes cultures, avec une bonne proportion de maïs. Ces étendues proposent aujourd’hui des paysages relativement dénudés l’hiver. L’été et l’automne les maïs s’élèvent, coupant les vues moyennes sur le paysage, tendant à uniformiser la perception. Quelques éléments forment encore des contrepoints qui ponctuent ces étendues collinaires : arbre isolé, bosquet, arbres fruitiers, voire des haies résiduelles. Cette végétation anime le paysage, crée des jalons et des points de repères sur l’ondulation du relief et en module l’échelle. Cette diversité est donc la bienvenue et mérite une attention particulière pour la maintenir et la renouveler. Les abords des chemins, peuvent être le support de cette diversité et concilier desserte agricole et découverte de ces paysages. Leur aménagement est à coordonner avec la démarche Trame Verte /Trame Bleue [1]. D’autre part, plusieurs routes sont accompagnées d’un alignement d’arbres qui signale leur tracé de loin et accompagne l’usager. Le charme de ces voies bordées d’arbres nécessite également une gestion attentive de ce patrimoine arboré.

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Maintenir une diversité dans les paysages de grandes cultures

Quelques pistes d’actions envisageables
- Veiller à maintenir l’arbre dans le paysage. Inciter à replanter des arbres de haut jet pour l’avenir.
- Replanter des arbres fruitiers isolés ou alignés le long des chemins ruraux.
- Maintenir un réseau de chemins agricoles sans culs de sac, surtout en périphérie des villages.
- Mettre en valeur le petit patrimoine rural : calvaire, banc napoléonien…
- Mettre en valeur les petits éléments qui jalonnent le territoire : arbre isolé, calvaire…
- Gérer les bosquets et leur lisière.
- Entretenir et replanter des alignements d’arbres le long des itinéraires.

Soigner la qualité des bâtiments agricoles et de leurs abords

Compte tenu de l’ouverture du paysage dans l’Outre-Forêt, les imposants volumes des bâtiments agricoles sont bien visibles dans le paysage, qu’ils soient isolés ou en périphérie de villages. Les nouveaux bâtiments agricoles sont en rupture avec les bâtiments anciens en raison des mises aux normes ou de l’évolution des techniques. Leurs volumes, leurs matériaux ou leur couleur, n’ont pas toujours fait l’objet d’une réflexion pour conserver une certaine harmonie avec leur situation et leur entourage. Leur localisation et leur qualité architecturale (volume, couleur…), ainsi que l’aménagement de leurs abords sont importants. Cet enjeu est également lié à celui de l’aménagement des périphéries des villages (plantations, chemin, transition avec les champs) ou du maintien du petit parcellaire ainsi que des vergers qui accompagnent positivement les bâtiments agricoles.

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Soigner la qualité des bâtiments agricoles et de leurs abords

Quelques pistes d’actions envisageables
- Eviter les implantations trop visibles en entrée de village ou sur les hauteurs.
- Favoriser l’utilisation du bâti agricole ancien pour limiter les implantations nouvelles en périphérie des villages.
- Privilégier des bâtiments de teinte sombre, plus discrets dans le paysage.
- Soigner l’architecture des bâtiments (volumes, matériaux), fractionner les volumes.
- Soigner l’entrée de la ferme. Aménager les entrées et les chemins d’accès.
- Replanter des arbres fruitiers isolés ou alignés le long du chemin d’entrée de la ferme et en périphérie des bâtiments.
- Planter aux abords des bâtiments pour faire une transition avec le paysage. Utiliser des essences locales adaptées au contexte.
- Installer les stockages dans des lieux discrets.
- Adapter l’aménagement villageois aux passages d’engins agricoles.

Valoriser le petit parcellaire en lanière

Les versants pentus comportent encore bien souvent des parcelles plus petites, aux formes étirées en lanière, parfois ponctuées d’arbres ou d’anciens vergers. On retrouve également cette organisation autour des villages dont elle constitue l’écrin. La simplification du parcellaire dans les grandes cultures a agrandi les parcelles en bande rectangulaire, mais dont le graphisme reste encore présent dans le paysage. Ces formes étirées, jouant avec le relief collinaire, sont caractéristiques de l’Outre-Forêt. Elles se distinguent du reste de l’Alsace. Dans les parties plus arborées cela apporte un côté plus intime qui forme un contrepoint aux ouvertures des cultures. Ces endroits offrent des buts de promenade attractifs et une pratique du territoire différente pour les habitants (jardin, verger, petit pâturage, promenade naturaliste…). Les chemins d’accès à ces versants méritent donc d’être maintenus et mis en valeur. Sont plus particulièrement concernés ceux situés à proximité des bourgs et des villages, ou bien encore menant aux points hauts.

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Valoriser le petit parcellaire en lanière

Quelques pistes d’actions envisageables
- Maintenir les couronnes de prés et de vergers autour des villages.
- Identifier et maintenir ces parcelles dans les documents d’urbanisme.
- Limiter la taille des parcelles sur les pentes, éviter les regroupements trop importants.
- Renouveler les haies et les arbres vieillissants.
- Encourager la plantation de vergers.
- Diversifier les modes de plantations : arbre isolé, ligne, verger régulier.
- Soutenir la gestion des petits vergers de haute tige et les ateliers de transformation et la commercialisation locale.
- Trouver des usages différents en lien avec les habitants proches (chevaux, jardins potagers, promenade, gestion naturaliste).
- Maintenir une accessibilité aisée par des chemins agricoles entretenus, support de promenade pour les habitants.

Préserver les fonds de vallons

Les fonds des vallons autrefois majoritairement en prairie ont tendance à être colonisés par les cultures. Les versants plus pentus ne sont plus gérés et sont regagnés par une végétation naturelle ou des friches. Ces parties plus arborées apportent une certaine diversité qui participe à la composition et la qualité du paysage en évitant une uniformité trop importante. Ces fonds, juste parfois marqués par une ligne de roseaux ou de saules, parfois bordés d’une bande enherbée et d’un chemin, constituent également des supports de fréquentation de ce territoire. C’est également un élément important pour la politique Trame bleue /Trame verte [1]avec rôle écologique (filtration, retenu des terres, continuité arborée…).

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Préserver les fonds de vallons

Quelques pistes d’actions envisageables
- Maintenir des accès au fond des vallons pour les gérer.
- Conserver un minimum d’espaces enherbés bordant les fonds.
- Gérer la ripisylve pour en faire un point de repère qui signale la présence de l’eau.
- Favoriser une certaine diversité de strates herbacées et arborées.
- Eviter une trop grande fermeture des fonds humides.
- Mettre en valeur les petits ouvrages liés à la gestion de l’eau (ponceau, pont).

Maitriser les extensions villageoises / Soigner le tour des villages

L’Outre-Forêt présente de nombreux villages espacés de quelques kilomètres. Leur silhouette est visible de loin au gré du moutonnement des collines dans les vallons ou sur les hauteurs. Certains villages sont également en covisibilité. Tout développement périphérique est donc très visible et participe à l’image de chaque commune. La façon dont les nouvelles habitations sont organisées entre elles et connectées au reste du bourg conditionne également la qualité des lieux. L’idée est de créer de véritables quartiers plutôt que des lotissements stéréotypés sans aucun lien avec la logique du village. Parfois les extensions urbaines s’étendent sur les anciennes ceintures vertes (vergers, prairies) mettant ainsi les nouvelles habitations directement au contact des cultures. La prévision d’une transition (tour de village) permet d’améliorer le cadre de vie des habitants afin de d’éviter les confrontations difficiles et de créer un espace de détente fréquenté, en complément des villages denses.

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Maitriser les extensions villageoises / Soigner le tour des villages

Quelques pistes d’actions envisageables
- Préserver la silhouette groupée des villages. Maîtriser l’étalement urbain.
- Agrandir le bourg en prolongeant la logique de son plan de composition.
- Prôner un développement durable et économe de l’espace dans les documents d’urbanisme.
- Se développer autrement que par l’étalement urbain.
- Mailler les nouveaux quartiers avec des rues et non des impasses.
- S’inspirer du bâti existant et favoriser l’alignement des façades ou des pignons et la mitoyenneté qui font le charme des centre-bourgs ruraux.
- Tenir compte de l’harmonie des crépis blancs qui constituent une des caractéristiques des villages de l’Outre-Forêt.
- Etre vigilant sur l’emplacement, les volumes et les couleurs des nouvelles habitations.
- Respecter la hiérarchie des masses bâties et du clocher. Eviter les juxtapositions ou les vis-à-vis malencontreux pour les constructions ou les zones de développement.
- Veiller à l’impact paysager des bâtiments d’activité ou agricole en périphérie.
- Soigner les périphéries des villages : plantations, chemin de tour de village, abords du cimetière.
- Préserver les ceintures de cultures diversifiées autour des villages : prés vergers, cultures maraîchères, jardins périurbains, petites parcelles cultivées…
- Préserver un maillage de chemins en périphérie des villages.

Mettre en valeur les espaces publics / Affirmer les entrées

L’entrée dans le bourg et la qualité des espaces publics participent fortement à la qualité paysagère de la commune. Ces entrées doivent apporter un changement d’échelle après un parcours routier. La route fait place aux rues et aux places dont la qualité d’aménagement est importante pour le cadre de vie des habitants. L’évolution du village ou la construction de nouveaux équipements nécessite une réflexion d’ensemble. L’enjeu est de préserver ce qui a une valeur et de trouver une nouvelle harmonie avec les aménagements envisagés. Les espaces publics, comme les places, sont des points stratégiques à soigner pour conserver le cachet du bourg et sa convivialité. Les aménagements doivent conserver une simplicité pour conserver l’harmonie et le charme des villages.

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Mettre en valeur les espaces publics / Affirmer les entrées

Quelques pistes d’actions envisageables
- Aménager les entrées de bourg avec simplicité pour marquer la transition de la route à la rue.
- Valoriser les abords des cours d’eau dans les villages et les bourgs.
- Trouver un vocabulaire simple mais de qualité pour les aménagements des espaces publics.
- Retrouver l’ambiance des villages-rues dans les nouveaux quartiers
- Mettre en valeur les places. Trouver un équilibre entre stationnement et convivialité des espaces publics.
- Prévoir dans toutes extensions urbaines des espaces publics structurants de qualité en lien avec le centre bourg.
- Privilégier l’utilisation de matériaux locaux dans les aménagements.
- Acquérir, le cas échéant, des « dents creuses » au centre du bourg et aux endroits stratégiques pour accueillir des espaces publics.

REPERES BIBLIOGRAPHIQUES

Paysages
Carnet des paysages de la plaine du Bas-Rhin. 1999 ENSP – Conseil général du Bas Rhin

Urbanisme et architecture
Alsace, l’architecture rurale française. Ouvrage de Marie-Noëlle Denis et Marie-Claude Groshens. Editions A Die. 1999
Site Internet : Alsace, la maison alsacienne : www.encyclopedie.bseditions....

[1] La Trame verte et bleue est une mesure phare du Grenelle Environnement qui porte l’ambition d’enrayer le déclin de la biodiversité au travers de la préservation et de la restauration des continuités écologiques. Cet outil d’aménagement du territoire vise à (re)constituer un réseau écologique cohérent, à l’échelle du territoire national, qui permette aux espèces animales et végétales, de circuler, de s’alimenter, de se reproduire, de se reposer,... En d’autres termes, d’assurer leur survie, et permettre aux écosystèmes de continuer à rendre à l’homme leurs services.
Les continuités écologiques correspondent à l’ensemble des zones vitales (réservoirs de biodiversité) et des éléments qui permettent à une population d’espèces de circuler et d’accéder aux zones vitales (corridors écologiques). La Trame verte et bleue est ainsi constituée des réservoirs de biodiversité et des corridors qui les relient.