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L’étalement urbain, vers de nouveaux paysages entre ville et campagne

Refus de la ville et retour à la campagne

La voiture a rendu les déplacements quotidiens beaucoup plus faciles, les gens pouvant alors faire plusieurs dizaines de kilomètres pour se rendre sur leurs lieux de travail, ou bien pour emmener les enfants à leurs diverses activités récréatives. Dans les années 1980, la ville attire moins, les multiples chantiers destinés à revitaliser les centres urbains ne suffisent pas à inverser la tendance. Nombre de familles désirent s’installer à la campagne pour des raisons de cadre de vie. En France, et plus qu’ailleurs chez nos voisins européens, le rêve de la maison individuelle s’impose. Il faut dire que le mouvement n’est pas nouveau puisque dès les années 1950 les premiers lotissements sortent de terre, mais au tournant des années 1980, le phénomène s’intensifie. Ainsi, d’abord en périphérie des villes, puis dans les villages aux alentours, puis progressivement dans tous les villages de la région, de nouveaux secteurs d’habitat voient le jour, dont la caractéristique principale est d’être uniquement constitué de maisons individuelles.

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Niederhausbergen, périphérie Nord de Strasbourg. Les terres agricoles sont cernées par la poussée urbaine, matérialisée par le tissu résidentiel pavillonnaire. L’extrémité de la commune montre un lotissement de maisons individuelles, juxtaposées, avec des formes, des volumes et des implantations disparâtes. Source CRDP

Il s’agit dans les années 1990 de petites opérations d’une dizaines de parcelles chacune rendues aménageables par des procédures spécifiques de lotissements, l’idée étant de maîtriser par un lotisseur privé (qui peut être également la commune) les nouvelles voiries et les coûts de viabilisation et de proposer à des particuliers d’acquérir un terrain vierge sur lequel ils viennent construire une maison. La dynamique économique et la demande sociale étant de plus en plus forte, les communes ont permis la construction de très nombreuses maisons individuelles autour du village historique. Répétées les unes à côté des autres, ces opérations représentent une part considérable de la production de logements depuis les années 1980.
Les villages alsaciens, désertés depuis la révolution industrielle du début du XIXe siècle connaissent alors un mouvement contraire de retour à la campagne. Non pas pour des raisons de culture de la terre, mais pour consommer du paysage que la ville n’est pas en mesure d’offrir. D’abord réservé à une élite sociale pouvant se permettre des déplacements quotidiens en voiture, le rêve français de la maison individuelle s’est rapidement étendu à toutes les classes sociales.

Tous les villages alsaciens ?

Ces propos sont à nuancer géographiquement. Le rêve de la maison individuelle à une conséquence visible dans le paysage : il s’agit de l’étalement péri-urbain, autour de la ville. Les zones d’activités, les zones industrielles participent à l’étalement urbain, les quartiers d’habitat pavillonnaires génèrent eux du péri-urbain. Il s’agit d’une forme urbaine jusqu’alors inédite (bien que les cités jardins annoncent le mouvement), inédite surtout par ses proportions.

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Kingersheim, banlieue Nord de Mulhouse. Les extensions pavillonnaires sont largement responsables de l’étalement urbain, à l’origine de la dégradation de la consommation foncière. Les opérations se réalisent au coup par coup sans vision globale de l’aménagement de la commune. Source geoportail

Cette juxtaposition de maisons (de style, de formes, de volumétries, d’implantations variées), sur des parcelles privées de quelques centaines de mètres carrées à quelques milliers de mètres carrée, se réalise sur des terrains vierges, pour la plupart agricoles. Ce phénomène d’urbanisation se révèle très consommateur en espaces agricoles, et la pression foncière est d’autant plus forte que les terrains se situent là où il y a de la demande (et donc de l’emploi, des services, des commerces à proximité). Autour des agglomérations et des villes s’installent nombre de quartiers pavillonnaires. La périphérie de l’agglomération mulhousienne est fortement marquée par ces étendues de maisons individuelles, dont la multiplication des accès, des réseaux pose question aujourd’hui (gestion et coût des infrastructures).
Et pourtant, la pression foncière n’a pas les mêmes effets partout dans la région. Il se trouve que là où les terrains agricoles ont la plus forte valeur ajoutée, c’est à dire dans le vignoble essentiellement, le morcellement des terres, l’artificialisation des sols et l’urbanisation est moins marquée. Non pas que la culture sociale soit différente dans ces régions, mais bien que la valeur du sol, en tant que ressource agricole, à presque autant de valeur que des terrains à bâtir. Le vin s’exporte et se vend bien, les exploitants préfèrent donc conserver au maximum les terres fertiles.

La maison individuelle est une composante récente des paysages urbains, sans commune mesure avec d’autres composantes de la ville en terme de surfaces urbanisées. Ces nouveaux quartiers s’implantent à l’extérieur du village, repoussant toujours les limites de l’urbanisation en direction des paysages agricoles, et interrogent aujourd’hui sur leurs relations avec les tissus urbains constitués et leur interface avec les espaces agricoles .