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L’exemple de Mulhouse, ville nouvelle de l’industrie textile

C’est par le textile que l’Alsace franchit le pas vers l’industrialisation. Les patrons du textile comprennent que le développement de cette industrie d’avenir passe par l’utilisation de machines. Mulhouse va s’afficher en tête du développement industriel (première production d’indiennes en 1746), et ces premières industries textiles entraînent la naissance d’usines de machines textiles et d’une industrie chimique qui ne se dément pas aujourd’hui. La ville de Mulhouse qui comptait 4000 habitants en 1800, approche les 70 000 à la veille de la guerre de 1870. Cet extraordinaire développement de la ville, qui s’accompagne d’une forte croissance urbaine, les usines et industries s’implantant sur de grandes emprises foncières autour de la ville historique, lui vaudra la dénomination de « Manchester français ».

C’est en 1798 que la ville de Mulhouse décide de son rattachement à la République française. Cette décision accélère alors le processus d’industrialisation en supprimant les barrières douanières. En 1804, le creusement du canal du Rhône au Rhin débute, il traverse Mulhouse en 1812 et permet d’alimenter facilement la ville en charbon. En 1846, Mulhouse compte 45 filatures. L’industrie textile se diversifie et encourage l’innovation (on compte nombre de nouvelles machines inventées dans les usines de Mulhouse). Le modèle mulhousien repose sur trois piliers, à savoir un patronat protestant paternaliste, la prédominance du couple innovation-formation dans les développements techniques et la recherche toujours présente d’un équilibre social.

Un important patrimoine industriel

Marqueur de l’identité urbaine, ces éléments du patrimoine ont souvent été précurseurs, notamment en ce qui concerne le logement ouvrier avec l’émergence d’un nouveau type d’habitat : la cité ouvrière.

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Vue générale de la cité jardin de Mulhouse par l’industriel Jean Dolfus vers 1860. Source bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

Au XIXe siècle, il s’agissait de loger les ouvriers qui arrivent en ville. On se rend compte qu’une main d’œuvre bien logée est une main d’œuvre plus rentable et efficace (moins de maladie,…). Le patronat mulhousien a voulu répondre de son mieux à la misère ouvrière en créant la cité ouvrière. C’est Jean Dolfus, patron de DMC, économiste et philanthrope, qui a l’idée de restaurer la dignité de l’ouvrier et de moraliser la famille ouvrière par l’accession à la propriété. La cité ouvrière de Mulhouse a été réalisée en plusieurs étapes de 1853 à 1897 et compte 1 243 logements unifamiliaux. C’est une cité-jardin en ce sens que chaque logement a aussi son jardin particulier.

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Une ville dans la ville. La photo aérienne de la cité-jardin de Mulhouse montre la proximité entre l’industrie, l’habitat et les équipements au sein d’un même quartier. Source géoportail

Il s’agit d’un modèle d’habitat social, souvent imité ailleurs. Le premier projet de 320 logements à construire sur huit hectares n’est réalisé que partiellement (200 logements sur cinq hectares), car les ouvriers jugent trop chères les maisons entre cour et jardin. Ce premier projet est suivi rapidement d’un deuxième et 660 logements sont encore réalisés jusqu’à la guerre de 1870. Après un temps d’arrêt, la cité s’agrandit encore de 383 logements, pendant la période allemande, de 1876 à 1897.
La cité est construite sur des terrains agricoles inondables au nord-ouest de la ville. Cet espace est asséché grâce au percement d’un canal de décharge de l’Ill, achevé en 1846. Tout autour sont installées plusieurs usines importantes, surtout textiles (filatures, tissages, usines d’impression sur étoffes). L’emplacement présente deux inconvénients pour les futurs habitants : les fumées des usines et la remontée des eaux dans les caves, en cas de fortes pluies. Au centre de la cité doit se trouver une place avec les services collectifs (boulangeries, bains, lavoirs,…). Elle a cependant été réduite et c’est actuellement un espace vert avec jeux pour enfants. Deux types de parcelles sont délimitées pour les maisons, l’une allongée, l’autre carrée, en fonction des types de maisons.
Le projet financier est un modèle du genre. Pour la première fois est mise sur pied, pour les ouvriers, une politique d’accession à la propriété. Un système de location–vente doit permettre à des familles ouvrières d’accéder, après une période de treize à quinze ans, à la propriété de leur maison. À une époque où la nourriture absorbe les deux-tiers des salaires, il est néanmoins difficile de consacrer 17% de son budget au logement. Primée à l’Exposition universelle de 1867, elle servit de modèle à de nombreuses autres cités.

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Le Nouveau quartier de Mulhouse, aujourd’hui aux alentours de la place de la République, une architecture ordonnancée au service de la grandeur de l’industrie et du commerce. Crédit Christan Hoffmann

Les industriels construisent également le Nouveau Quartier à proximité de la gare (place de la République), avec des immeubles d’habitation sur 3 niveaux dont le RDC était réservé à des activités marchandes en lien avec les industriels textiles et chimiques (galeries à arcades).

Outre les quartiers commerçants et le logement ouvrier, les industriels construisent des maisons bourgeoises pour leurs familles. Situé au sud de la ville, le Rebberg (la colline du vignoble littéralement traduit) longe la voie ferrée et s’étend sur une partie des villes voisines de Riedisheim et Brunstatt. Ce quartier trouve ses origines dans la période la plus faste de l’histoire de Mulhouse, du temps de l’essor de l’industrie textile On y trouve de nombreuses maisons de maître rivalisant par leur style empreint d’influences et d’époques architecturales différentes. Le jardin botanique et zoologique de Mulhouse, constituant un ensemble paysager remarquable, se situe par ailleurs, au cœur de cet écrin de verdure.