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La roche

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Entablement gréseux du château du Haut Barr, Saverne
Les paysages d’Alsace se découvrent depuis un belvédère en rebord du massif. Seuls les Vosges et le Jura ont un pied en Alsace mais deux autres massifs sont familiers : la Forêt Noire qui cadre l’horizon, et les Alpes que l’on monte voir, les jours de beau temps, depuis les sommets des ballons.
Au fil des chocs des continents, plusieurs montagnes se sont succédées sur les Vosges et la Forêt noire.
La première montagne a été réduite par l’érosion à un désert de sable. Il nous en reste le relief escarpé des Vosges gréseuses, qui porte encore les marques de ces anciennes dunes. Plus au sud, les ballons des hautes et moyennes Vosges formaient le soubassement de cette montagne, qui a été plus tard réhaussé. Il nous en reste, enfin, les vallées minières avec leurs filons métallifères qui sont issus de la cuisson du sédiment initial.
La mer secondaire a recouvert le tout, déposant d’épaisses couches de calcaires et de marnes dans lesquelles sont taillées les douces collines du Kochersberg et du Sundgau. Le reste a été entièrement décapé.
La seconde montagne résulte du choc des continents qui a généré les Alpes, le Jura. Toute la région est rehaussée et l’érosion reprend. Elle trace d’abord les hautes vallées vers le nord, puis la plaque alsacienne se brise d’un trait et commence à s’enfoncer, formant une ligne de ravins et d’éboulis sur le piémont vosgien, en belvédère sur la plaine et, comme fait exprès, idéalement orientée pour un futur vignoble...
Une nouvelle mer s’engouffre dans le fossé et dépose des argiles, des marnes qui compléteront les collines fertiles des « bons pays » d’Alsace ; elle dépose aussi accessoirement, du pétrole, des filons de potasse. Toutes ces couches s’enfouissent mutuellement au fond du fossé alsacien.
Quand l’homme arrive à l’ère quaternaire, un dernier sursaut fait basculer le Rhin vers le nord ; il se décide enfin à rejoindre la plaine d’Alsace. A plusieurs reprises, de grands glaciers recouvrent la montagne. Ils taillent des ravins au flanc des vallées, avant que des vents de sable ne recouvrent tout d’un épais limon fertile.
L’histoire de la roche continue au-delà mais cette fois, avec les premières tribus celtes.
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l’Alsace au cours des âges géologiques

Premier choc, première montagne, aujourd’hui disparue

A l’ère primaire, la première montagne vosgienne est un contrefort du massif hercynien qui barre toute l’Europe

La montagne hercynienne initiale émerge dans un premier choc intercontinental, entre un grand continent en Europe du nord et un bloc africain [1]. Elle comporte plusieurs « mottes » qui formeront le massif central, le socle du futur bassin parisien, le socle breton.

A l’origine, des vases s’accumulent au fond d’une mer pendant plus de cent mille ans.

Cent mille ans, c’est le temps qu’il aura fallu pour que la couche de vase initiale se dépose à l’époque du Dévonien, et se compacte en roche sombre, les « grauwacke », que l’on retrouve aujourd’hui au flanc des vallées vosgiennes, et que des carrières concassent de nos jours pour fournir le ballast solide des lignes TGV.
A proximité du trait de côte de la mer hercynienne s’installent quelques récifs coralliens [2] que des carrières de marbre exploitent du côté de Russ.

Le choc intercontinental nord-sud génère deux grosses mottes granitiques : les Vosges du nord, les Vosges du sud

Les secteurs les plus comprimés génèrent les filons miniers, et les massifs granitiques

Dans la zone de frottement entre la motte du nord et de celle du sud, la cuisson est moins forte, ce qui donnera un large secteur de gneiss, une roche un peu plus tendre à l’érosion que le granite. Les « jus » de cette cuisson partielle, chargés de métaux fondus, s’enfilent dans les multiples fissures. En refroidissant, ces suintements métallifères durcissent en autant de filons de minerai (plomb, argent, etc.). La zone de soudure deviendra plus tard la vallée minière de Sainte-Marie.

Dans les secteurs les plus compactés de la motte sud, à quelques kilomètres sous le sol, plusieurs bulles de roche fondent totalement [3]. Elles cristallisent lentement, et forment le granite des ballons des Vosges.

Attention, pour l’instant ce granite reste enfoui à plusieurs kilomètres sous la surface terrestre ; il est encore très loin de tracer la ligne bleue des Vosges. La couleur de ces granites varie selon la composition initiale de la vase. Les plus à l’ouest, qui formeront un jour le granite des crêtes, sont les plus gris, les plus sombres. Un granite plus clair formera les ballons. Au nord, le granite de Senones est plus clair, rosé [4] ; il est exploité pour la construction. Pendant la guerre, la carrière du Struthof aura été de sinistre mémoire.
A la périphérie de cette montagne hercynienne s’éparpillent des débris qui se compacteront [5]. C’est ainsi que le futur ballon vosgien se trouve cerné de versant diversifiés où les potiers trouvent une large palette de matériaux. Les lignes du relief s’en ressentent également : un versant arrondi résulte de l’érosion d’une vase tendre, moins compactée [6] ; elle peut faire face à un versant d’à pics taillés dans un grès issu de la vitrification des débris de sable. Certains de ces versants situés sur la faille vosgienne formeront plus tard comme un escalier qui dévale sur la plaine.

Les pains de lave s’épanchent en surface

A la fin du cycle hercynien, quelques bulles de lave bouillante remontent en surface et se vitrifient au contact de l’air. Lorsque l’érosion aura tout décapé autour, il en restera ces pains de lave vertigineux [7] en haut desquels les princes du XIIe s édifieront des châteaux, comme au Nideck.

L’ère secondaire : les tables de grès et de calcaire

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La plaque de grès forme une épaisse barrière dominant la plaine d’Alsace. Mont-St-Odile, Ottrott

Les couches épaisses de sédiments se compactent tandis que les rivières esquissent le tracé des hautes vallées

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Le premier massif hercynien est réduit par l’érosion en une mer de sable

150 millions d’années auront été nécessaires pour faire fondre cette montagne initiale. Torrents, puis fleuves, arrachent des graviers à une montagne qui recouvre la France d’ouest en est, et les emportent jusqu’en Alsace. Ils n’épargnent que quelques rochers accrochés aux principales bulles de granite. Une immense auréole de sables [8] se dépose et s’étend vers l’est sur plusieurs centaines de kilomètres tandis que les limons, plus légers, sont emportés au loin par les courants.

Cette première mer de sable, un temps recouverte par la mer, se compactera en une solide table de grès qui court de la Bourgogne à la Bavière.

Cette épaisse table de grès, qui atteint 500m d’épaisseur, se vitrifie en une plaque rigide recouvrant le continent européen depuis la Forêt Noire jusqu’à la Bretagne. Dans certaines carrières de grès au nord de Saverne, les ondulations des dunes fossilisées de cette ancienne mer de sable restent bien lisibles à flanc du front de taille.

La mer de calcaire coquiller (Muschelkalk), arrivant de l’est, recouvre l’ensemble, de la Bavière à la Lorraine

La mer recouvre presque tout à l’ère secondaire, et dépose une couche épaisse de coquillages qui se compactent en une épaisse table calcaire [9], qui forme aujourd’hui le plateau lorrain. Sur l’Alsace, cette table sera presque entièrement décapée par la suite, sauf dans quelques secteurs de l’Alsace bossue.

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Les collines de Wasselonne : cette longue ligne de collines d’argile barre le Kochersberg. Elle est issue des dépôts marins du secondaire. vue depuis Altenheim

Quand le courant est faible, la mer dépose des vases plus argileuses où l’érosion sculptera plus tard des collines anguleuses, comme à l’arrière du Kochersberg, ou dans les collines de Brumath. Quand les coquillages calcaires s’y mêlent, la vase devient marneuse ; l’érosion y tracera les ondulations douces comme dans les collines du Kochersberg.
Cette mer finit par se retirer lentement. Çà et là, une lagune d’eau de mer sèche sur place, abandonnant une croûte de sel de plusieurs dizaines de mètres d’épaisseur. Il subsiste des plaques de ces premières mers de sel côté Lorrain. Les fougères prolifèrent dans ce paysage de lacs, de bancs de sable et d’argile entrecroisés. Les dinosaures en sont friands. Les bancs vaseux évoluent lentement vers des marnes. L’ensemble du paysage est redevenu décidément très plat.

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La répartition des roches de la montagne aujourd’hui. Les Granites, Gneiss et Grauwackes des hautes Vosges sont les restes de la montagne de l’ère primaire. Les Grès des Vosges du nord et les calcaires des collines sous vosgiennes datent de l’ère secondaire. Source CRPF et ONF Alsace – Le choix des essences forestières dans les Vosges Alsaciennes.

Sous la poussée de la plaque africaine, la table de grès est rehaussée. L’érosion y esquisse les hautes vallées

La plaque africaine fait à nouveau pression et soulève d’un bloc l’ensemble de la plaque de grès depuis le sud. Une seconde montagne émerge, d’un seul bloc depuis les hautes Vosges jusqu’à la Forêt Noire. Ce rehaussement, plus marqué sur le sud des Vosges, est un précurseur du choc alpin à la fin de l’ère secondaire. Nous sommes encore 80 millions d’années avant l’arrivée des premiers hommes.

Les rivières sculptent les grandes vallées vosgiennes

Les rivières se remettent aussitôt au travail. Elles commencent par décaper presque toute la table calcaire qui recouvre les hauteurs de cette montagne, et met à nu le granite au sud, et le grès au nord. L’érosion se poursuit au début de l’ère tertiaire. Les rivières continuent de creuser les hautes vallées vosgiennes selon des axes nord-sud. Ces entailles deviendront les parties hautes des grandes vallées alsaciennes : Thann, Guebwiller, Munster, Bruche.

L’ère tertiaire : le fossé alsacien se découpe

La plaque de grès se brise et le plancher alsacien entame sa descente qui atteint aujourd’hui 4000m sous le sol

Les fractures des Alpes découpent les bordures rectilignes du fossé alsacien. Le choc entre les plaques africaine et européenne soulève à la fois les Alpes et le Jura [10]. D’un tremblement de terre à l’autre, l’épaisse table de grès se brise comme un immense carreau de verre. Plusieurs longues failles courent de la méditerranée à la mer du nord. Elles délimitent un fossé, un « rift », dont chaque tronçon aura un nom : vallée du Rhône, Limagne, plaine rhénane. Les séismes s’estomperont au début du Miocène [11], mais la plaque bouge encore. L’histoire retient le grand tremblement de terre de Bâle en 1356 et jusqu’aux plus récents dans les esprits : 1990 (St-Amarin), 1992 (Rambervillers, ressenti en Alsace), 2003 (Maastricht, ressenti en Alsace). Cette activité sismique réchauffe le sous-sol ; c’est ainsi que la plaine alsacienne présente de fortes opportunités pour la géothermie.
Les deux lèvres de ce fossé s’éloignent, rehaussées surtout dans leur partie sud : les hautes Vosges. Les rivières attaquent ces nouveaux sommets et enfouissent les matériaux d’érosion dans cette gigantesque tranchée. La future ligne des Vosges se brise en deux failles : la faille dite vosgienne qui court au pied du massif, en haut du vignoble, et la faille dite rhénane qui court sous les piémonts. L’ancien plancher s’enfonce en glissant le long de ces failles ; il est aujourd’hui enfoui à 1000 à 3000 m sous terre, recouvert de sédiments souvent caillouteux qui comblent le fossé à mesure qu’il s’enfonce.

L’érosion découpe les vallons encaissés et les éperons dans la table de grès des Vosges du nord

Dans les Vosges du nord, le socle n’a pas été rehaussé. L’érosion, après avoir décapé le calcaire, bute sur la table de grès dans laquelle les ruisseaux creusent laborieusement des vallées en « V ». Ces vallées hautes, encaissées entre des ravins couverts d’une maigre forêt se retrouveront aujourd’hui dans toutes les Vosges du nord.
Les rebords orientaux de cette table sont remis à nu de part et d’autre des Vosges. Les alsaciens l’appelleront la « barrière de grès », les lorrains, la « côte du grès ». Ce rebord de plaque est un caillou stérile qui offre en revanche de multiples promontoires dégagés sur la plaine où nos ancêtres de l’an mil rivaliseront de ténacité pour poser sur la crête une église ou un château [12]. Leur silhouette forme un repère depuis la plaine, se détachant à contre-jour l’après-midi en contrebas de la ligne sombre des crêtes. Le rebord de la table multiplie les ravins. Bien avant la révolution française, plusieurs grosses carrières de pierre de taille seront ouvertes au flanc de ces vallées, accentuant encore le relief. Ces reliefs escarpés offrent autant de belvédères sur les vallées et sur la plaine.

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Barre de grès à Saverne. Les grès vosgiens datent principalement du Trias inférieur (-250 à -230 Ma). Leur présence marque très fortement les paysages de leur coloration rose et rouge, due à l’oxyde de fer qu’ils contiennent. Ils sont disposés en couches relativement horizontales dans lesquelles on distingue de grandes variations granulométriques (grès fins, conglomérats ...) et de coloration, ainsi que de nombreuses rides de courant et des fossiles qui ont permis de retracer l’histoire précise de leur dépôt.
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Les niveaux gréseux plus résistants forment des entablements qui structurent le paysage et supportent des hauts lieux historiques dominant la plaine, comme ici les trois châteaux de Russeren.
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En rebord du massif, un chaos de collines sous vosgiennes s’installe entre montagne et plaine. Les « marches d’escalier » du vignoble de Ribeauvillé, entre les deux failles principales. Source : François MICHEL, Le Tour de France d’un géologue.

Au bord du massif, le piémont sous vosgien est un éboulis de conglomérats qui masque les principales failles d’une cascade de matériaux les plus divers –grès, calcaires, schistes- où les éboulis des couches anciennes sont venues recouvrir des sédiments plus récents. Lors des épisodes marins, les éboulis anciens et récents ont été mélangés et enrichis de vases marines argileuses ou marneuses. Tous ces mouvements préfigurent les futures collines du piémont et du Kochersberg.
Entre les deux grandes failles, les blocs forment des marches de composition différente. Leurs matériaux se mélangent à mesure que l’on descend à flanc des pentes. La juxtaposition de ces collines et de leurs sols est particulièrement importante dans les collines du champ de fracture de Saverne. Les marnes issues de l’une ou l’autre des périodes marines dessinent les basses collines ondulées et fertiles, propices aux céréales. Elles voisinent avec de maigres collines de grès dont les boisements barrent l’horizon et masquent des pentes plus anguleuses. Au-dessus de Ribeauvillé, ces collines sont, pour une fois, très lisibles : l’œil embrasse un vignoble dont les lignes peignées recouvrent les marches d’un « escalier » de 2 km de large, et qui s’étagent de 500m à 200m d’altitude, reliant les deux failles principales.

La dernière mer d’Alsace au Rupélien

La mer s’engouffre dans le fossé alsacien, reliant un temps la mer du nord à la méditerranée.

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L’effondrement du fossé rhénan à l’ère tertiaire. Source : François MICHEL, Le Tour de France d’un géologue.

La mer envahit le fossé par le nord au Rupélien, rejoignant la mer du nord à la Méditerranée, non par la future vallée du Rhône, mais par …la mer noire, en passant par les Alpes. A cette époque, rappelons que les Alpes ne se sont pas encore soulevées. Cette mer dépose d’épaisses couches de calcaires et marnes dans le Sundgau qui seront pour bonne part préservées du décapage ultérieur.
Au nord, elle dépose des argiles compactes que l’érosion décapera à son tour sauf en un large lambeau qui recouvre la faille rhénane de Wasselonne à Woerth. Aujourd’hui, les crêtes de ces hautes collines aux flancs pentus barrent l’horizon entre la plaine de Strasbourg et les Vosges du nord. Elles sont très perceptibles lorsqu’on les franchit par la percée du Zorn à Hochfelden, ou celle de la Moder à Plaffenhoffen. Ces collines referment sur lui-même le paysage et le système hydraulique du Kochersberg central. Cette ligne d’argiles et marnes résiduels se prolonge sur les reliefs du pays de Hanau avant d’aller mourir en un piémont de collines bosselées au pied de la côte de l’Outre Forêt. Ces collines seront plus tard couvertes de loess fertile, ce qui explique que leurs ondulations aient été mises en culture dès l’époque romaine.

La fin de la mer d’Alsace

A la fin du Rupélien (-34 à -28 Ma) [13], la mer se retire lentement vers le nord.
Plusieurs lacs salés sèchent doucement dans la région du futur bassin potassique. Ces « mers mortes » déposent des veines de sel de plusieurs mètres d’épaisseur. Ces lacs sont eux-mêmes alimentés par des rivières salées qui drainent des couches de sel plus anciennes déposées sur les reliefs des Vosges par la mer du Trias.
Ces dépôts seront à leur tour enfouis sous des apports dorénavant terrestres : essentiellement des dépôts fluviaux. Vers Pechelbronn, des forêts sont enfouies sous des vases, puis recouvertes d’autres alluvions. C’est la naissance des poches pétrolifères qui fourniront l’une des premières compagnies pétrolifères du monde née en 1735, qui exploitera le site jusqu’en 1970.

Second choc, seconde montagne

Le sud de l’Alsace et les hautes Vosges se soulèvent, le Rhin s’écoule vers le nord. Le Jura se soulève

Le soulèvement des Alpes et du Jura débute au milieu de l’ère tertiaire. Il soulève par contrecoup les masses de granite des hautes Vosges, et plisse les roches sur les versants jurassiens du sud Sundgau.

Le soulèvement du horst de Mulhouse-Altkirch met définitivement hors d’eau les collines du sud Alsace

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Le soulèvement du sud alsacien. Source : François MICHEL, Le Tour de France d’un géologue.

L’ancien fond de mer est mis hors d’eau au Chattien [14], ce qui coupe définitivement le bras de mer qui reliait la mer du nord à la méditerranée. Les hautes collines de calcaires et marnes du Sundgau, récemment déposées par la mer, sont mises au sec. Elles seront par la suite peu érodées car les cours d’eau les contourneront de plus en plus.
Ce soulèvement progressif se prolongera jusqu’au quaternaire puisqu’il finira par faire basculer le cours du fleuve vers le nord, signant là la naissance tardive du Rhin. Le soulèvement met également hors d’eau le sud de la plaine et en particulier les épaisses terrasses de galets de la Hardt.
L’écartement des deux rives du fossé annonce la naissance d’un rift ; l’épanchement de lave du Kaiserstuhl [15] aurait pu être le début d’une longue ligne de volcans, mais le phénomène s’interrompt là, laissant derrière lui un volcan insolite au bord de la plaine.

Le quaternaire : entre glaciers et vents de poussière

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Les glaciers ont scultpté les reliefs vosgiens. Après le dégel, certaines moraines forment la digue d’un lac naturel : le lac noir, le lac blanc. Orbey

Les glaciers sculptent les reliefs vosgiens

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les glaciers sculptent le relief à l’ère quaternaire. Source : François MICHEL, Le Tour de France d’un géologue.

Quatre grands épisodes glaciaires se succèdent [16]. A chaque fois, les glaciers recouvrent toute la montagne. Ils laissent derrière eux des vallées en auge et de hautes barres de cailloux en travers de la vallée. Leur puissance de décapage est énorme. Ils arrachent d’importants volumes de cailloux puis se retirent. Après le dégel, certaines moraines forment la digue d’un lac naturel : le lac noir, le lac blanc, mais aussi côté lorrain, le lac de Gérardmer.
Dans le granite, les glaciers mettent le roc à nu, incisent les ballons érodés et y sculptent des cirques, des ravins anguleux, souvent proches de la crête, à l’image des célèbres chaumes des Vosges, balayées toute l’année par le vent des crêtes.
Dans le grès de la haute vallée de la Zorn où les ruisseaux avaient laborieusement tracé quelques gouttières, les glaciers découpent des corniches, des îlots escarpés.

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Carte géomorphologique de l’Alsace. La plaine d’Alsace correspond à un effondrement très marqué dont la dénivellation réelle - 4000 m en tout - est beaucoup plus importante que la différence d’altitude actuelle, qui va de 1424 m au point le plus haut des Vosges à 110 m au point le plus bas de la plaine, près de Lauterbourg, à la frontière allemande. Source université Louis Pasteur
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Carte géologique de l’Alsace. La plaine d’Alsace correspond à un remplissage de différentes roches sédimentaires (calcaires, marnes, sables, évaporites ...), recouvert en surface par les alluvions quaternaires des différentes terrasses alluviales du Rhin. La coupe géologique simplifiée de la région révèle la disposition relative des terrains. Les Vosges se situent dans la continuité du Bassin de Paris, ce qui explique la relative pente douce de son versant lorrain. Le rebord vosgien du fossé alsacien correspond à une faille majeure, dite vosgienne, qui juxtapose des roches d’âges différents. En plusieurs secteurs, la faille vosgienne est accompagnée d’un champ de failles, en particulier dans les régions de Saverne et de Ribeauvillé, dont les décalages des compartiments dessinent les collines sous-vosgiennes. Une deuxième faille importante, la faille rhénane, marque la limite du fossé au pied des collines sous-vosgiennes. À la latitude de Colmar, l’observation de la carte géologique révèle la présence, du côté allemand, d’un grand volcan, aujourd’hui éteint : le Kaiserstuhl. Au sud de Mulhouse, la région du Sundgau recèle des dépôts alluvionnaires apportés par l’ancien cours du Rhin, quand ce dernier coulait vers la Saône et le Rhône. Sources : carte géologique de la France au millionième, BRGM et François MICHEL, Le Tour de France d’un géologue.

[1] La plaque initiale qui formera plus tard le socle du sud de l’Europe et de l’Afrique s’appelle le Bostwana

[2] Les récifs coralliens vivent dans la mer du Devonien (- 410 Ma)

[3] Les plutons des granites vosgiens se forment au Viséen (-340 Ma : carbonifère). Les plutons de granite sont les « bulles » de magma liquide qui, en refroidissant, cristallisent sous forme de blocs de granite. Un pluton mesure plusieurs kilomètres, ou dizaines de kilomètres, et se forme à quelques kilomètres sous la surface de la terre.

[4] Le granite rose, exploité autour de Senones (88) est très prisé comme pierre de construction.

[5] Les alluvions déposés au Dévonien (- 410 Ma) , issus des laves et du granite, se compactent en grauwacke

[6] Le gneiss est une roche semi métamorphisée plus tendre à l’érosion que le granite. On le trouve généralement en périphérie des plutons de granite

[7] Les laves volcaniques dures (rhyolites) sont issues de la fin de l’orogenèse hercynienne, au permien (-295 Ma)

[8] Au Trias (-250 Ma), les fleuves charrient d’ouest en est, et apportaient des graviers de « Bretagne » jusqu’en « Alsace ». Ils faisaient donc œuvre inverse de la Loire aujourd’hui, qui emporte des graviers d’Auvergne jusqu’aux plages de Bretagne.

[9] Les dépôts marins de la mer de l’ère secondaire (-180 Ma) forment le plateau lorrain, dont l’extrémité orientale est l’Alsace bossue

[10] Le socle se brise au début de l’éocène (-34 Ma)

[11] La dynamique de rift s’estompe au début du Miocène (-20 Ma)

[12] Mont Ste Odile, Haut Barr, Ribeauvillé, etc.

[13] Au Rupélien (-34 à -28 Ma), la mer envahit pour la dernière fois le fossé alsacien.

[14] Oligocène supérieur (-28 à -23 Ma). Le soulèvement débute à la période du Chattien

[15] Le volcan du Kaiserstuhl apparaît au Miocène (- 15 Ma).

[16] -600 000 ans : début de la glaciation de Günz ; -480 000 ans : glaciation de Mindel ; -240 000 ans : glaciation de Riss ; -120 000 ans : glaciation de Würm