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Représentations et images de la Plaine et des Rieds
Les représentations des paysages de l’unité de la Plaine et des Rieds sont le plus souvent indissociables des reliefs des Vosges. Ils en constituent l’horizon sur lequel se découpent les silhouettes des villes et des villages quand le regard tourne le dos à la plaine, ou le décor quand, à partir des promontoires érigés d’anciens châteaux, ils cadrent les vues panoramiques et lointaines sur l’immensité des champs. La graphique des bandes laniérées et cultivées est devenue, surtout dans les images contemporaines, un motif valorisé. Mais la campagne reste peu représentée pour elle-même sinon quand l’eau ou parfois les arbres viennent animer ses paysages.
« La plaine paraît un tissu de rubans de diverses couleurs sur lesquels une innombrable quantité de villes et de villages sont jetés. Une foule de clochers dont les sommets sont couverts de tuiles vernissées ou de lames de tôle réfléchissent de toutes parts les rayons du soleil et font paraître la plaine illuminée. Ce vaste bassin est coupé par mille ruisseaux qui, sortant des vallées vont fertiliser les campagnes jusqu’à l’instant où leur existence va se perdre dans le Rhin majestueux dont le cours présente l’image d’un long serpent argenté. »
Paul-Christophe-Élisabeth Merlin, Promenades alsaciennes, 1824
Les représentations de la plaine indissociables des Vosges
Vues des Vosges
Les représentations parmi les plus répandues de la plaine d’Alsace sont celles prises à partir des promontoires qu’offrent les reliefs vosgiens. Elles font figure de représentations identitaires de l’Alsace toute entière.
« (…) c’est l’immensité de la plaine où apparaissent vingt villes et trois cents villages, et sur laquelle on voit flotter des brumes d’argent et courir l’ombre tragique des nuages ; c’est aussi la forêt qui couvre de son moutonnement infini toutes les montagnes voisines. »
André Hallays, A la France. Sites et monuments. L’Alsace : le Haut-Rhin, le Bas-Rhin, 1929
Les reliefs du premier plan mettent en scène la plaine insérée entre les reliefs des Vosges et l’horizon de la Forêt-Noire. Le dessin géométrique des parcelles cultivées en lanières est ponctué des silhouettes des villages dont les clochers émergent de la plaine. Les arbres alignés dessinent le tracé des routes. Plus loin, les grandes taches des bois et des forêts contribuent à une représentation de la plaine toujours en rapport avec les autres grandes constituantes des paysages d’Alsace.
L’imagerie touristique de gauche intègre ici dans une synthèse imaginaire tous les clichés des paysages alsaciens : la ruine juchée sur un promontoire domine la plaine dont émerge au loin la flèche de la cathédrale de Strasbourg. Le personnage masculin en costume traditionnel montre de sa main le village dont la maison à colombage au premier plan évoque le modèle architectural. Le dessin accorde à la plaine de très douces ondulations et de nombreux arbres suggérant ainsi un openfield moins monotone et uniforme.
A droite, outre son caractère patriotique, l’illustration d’Hansi datant de 1913 donne une représentation de la plaine assez proche de celle, sans doute plus récente, de la publicité pour les chemins de fer d’Alsace et de Lorraine. Du haut d’un promontoire occupé par un monument aux morts, la plaine n’est pas présentée comme un espace totalement plan. De larges mouvements en font un espace vivant dans lequel les villages ne sont qu’esquissés. Les couleurs des cultures, comme dans l’image précédente, évoquent la grande prospérité de cet espace alsacien.
Vues d’en bas
C’est souvent le contraste né du contact net et frontal entre la campagne plane et la ligne des Vosges qui justifie la représentation de la plaine. Si la chaîne de montagne attire immanquablement le regard, c’est bien l’association de la montagne et de la plaine qui crée l’intérêt des artistes pour la représentation de ce paysage.
Traversée par une rivière presque affleurante, la campagne dans laquelle les villages groupés sont disséminés dans le vaste espace de la plaine ponctuée de quelques bosquets ou arbres alignés, prend ici toute sa valeur grâce à l’horizon créé par la chaîne des Vosges. Inversement, le dégagement de la plaine renforce les qualités de la ligne des reliefs.
A gauche, en bas de l’image l’illustrateur se met en scène en train de dessiner à partir d’un point de vue lui permettant d’embrasser l’ensemble du paysage : une illustration de la relation paysagère étroite entre la plaine et le massif vosgien qui prennent ici à peu près la même importance dans le champ visuel, partagent les mêmes éclairages et un traitement analogue des détails.
Vues du ciel
« A la sortie de Colmar s’étend la plaine. C’est la plaine de l’Ill, unie, égale, fertile. C’est la grande plaine d’Alsace, que la belle chaîne des Vosges encadre au couchant et limitée du côté opposé par le Rhin aux flots rapides. Alsace, Elsass en allemand, signifie le « Séjour ou le Pays de l’Ill ». L’Ill et le Rhin ont formé son territoire de leurs alluvions. Les alluvions du Rhin sont plus arides, celles de l’Ill d’une productivité merveilleuse. Toutes les cultures arables prospèrent sur les puissants dépôts de limon le long de l’Ill, au point d’en faire un grenier d’abondance. »
Charles Grad, L’Alsace, le pays et ses habitants, 1906.
Après la Seconde Guerre mondiale, la carte postale a beaucoup utilisé la photographie aérienne oblique comme mode de représentation des paysages, notamment dans les secteurs agricoles. Moyen terme entre les vues panoramiques où la plaine est vue de haut et de loin et les photographies prises à partir du sol, ces images témoignent davantage de l’état des paysages qu’elles ne créent des ambiances ou des représentations « sensibles ».
Dans l’unité de paysages de la Plaine et des Rieds, les villages et les bourgs sont représentés dans leur terroir cultivé.
Ces images représentent les bourgs et les villages groupés et insérés dans leur environnement agricole. Exceptée la présence de quelques alignements d’arbres, la plaine apparaît nue, animée seulement par le dessin des différentes parcelles de cultures.
Ici aussi, ce sont majoritairement les effets graphiques créés par les lanières des parcelles de culture qui animent la plaine, mais le contraste entre le caractère très dense des villages groupés et la campagne ouverte joue également un rôle important dans la composition de ces représentations des paysages de l’unité.
Qu’elles soient à visée pédagogique, esthétique ou commerciale, les photographies aériennes sont les représentations les plus diffusées des paysages de la Plaine et des Rieds.
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Aujourd’hui encore, la photographie aérienne semble être une manière privilégiée de représentation de la Plaine et les Rieds. La plupart des photos consacrées à cette partie du territoire alsacien sont ainsi, sur le site de Jean Isenmann, prises d’avion, permettant à cette échelle l’appréhension sans coupure des effets graphiques (couleurs, lignes) créés par les grandes étendues de champs cultivés de la plaine.
La campagne, décor des villes
La campagne est le plus souvent représentée dans son contact avec la ville. Les illustrations anciennes sont friandes de ce type de mise en scène. De même que la plaine est en relation « paysagère » étroite avec le massif vosgien, les villes ou les villages de la Plaine et des Rieds le sont étroitement avec leur environnement agricole.
Même si ici le paysage agricole prend dans ces deux images une place importante, à l’égal du ciel, c’est la relation qu’il entretient avec la ville qui est valorisée. La ville sert d’horizon à la campagne. Dans l’image du XIXe siècle, à gauche, le chemin planté de grands arbres relie la campagne à la ville. Il en est de même dans celle du XVIIIe siècle. Figure récurrente, le couple de promeneurs atteste du caractère plaisant et aimable de la campagne agricole et de l’appétence très ancienne des habitants des villes pour les espaces de promenades champêtres à leur proximité.
Ces deux vues plus récentes mettent également en scène la campagne et la ville dont la silhouette se découpe sur l’horizon des Vosges. Mais le point de vue des photographes du début du XXe siècle est débarrassé du caractère bucolique des deux illustrations plus anciennes de Colmar. La plaine agricole est représentée d’une manière triviale et austère, telle qu’elle se montre l’hiver (à gauche), de manière frontale et sans effet, à droite. Les promeneurs ont disparu du paysage.
L’eau, un rare élément de pittoresque
Les canaux, un motif peu valorisé
Différents canaux dont celui reliant le Rhône au Rhin agrémentent le paysage de la Plaine et des Rieds. Si de nombreux circuits fluviaux, cyclistes… sont proposés le long de leurs cours, les images des canaux et de leurs paysages restent somme toute peu nombreuses, notamment dans les productions touristiques.
Avec au centre de l’image le canal du Rhône au Rhin, ligne coupant d’autres lignes, ici aussi (à gauche) la vue aérienne met en valeur l’esthétique géométrique, caractéristique des paysages de la Plaine et de Rieds, mais difficilement préhensible à hauteur d’homme.
A droite, la carte postale d’Erstein présente en quatre photographies les principaux caractères de la ville et ses attraits, notamment paysagers : architecture traditionnelle, la place, espace public aménagé, et la présence de l’eau en son sein (la ville est traversée par l’Ill) et à proximité (le canal).
Les rivières, attrait des villes et des villages de la Plaine et des Rieds
Les rivières, quand elles traversent les villes et les villages, sont un motif largement repris par les représentations et les cartes postales anciennes ou contemporaines.
Les rivières, la présence de l’eau en général sont pour les artistes ou illustrateurs du XVIIIe et du XIXe siècle des sujets toujours importants.
La Mulbach à Benfeld, l’Andlau à Hindisheim, l’Ill à Ebermunster sont des motifs de paysage urbains appréciés par les photographes de cartes postales. La présence des rivières apporte le zeste de pittoresque dénié souvent aux paysages de la Plaine et des Rieds.
Les Rieds : des représentations plus naturalistes que paysagères
Les rieds, terres inondables, peu présents dans l’iconographie ancienne, le sont davantage aujourd’hui grâce à la valorisation et la protection de leur richesse naturelle. C’est le cas notamment de l’Illwald, ried à proximité de Colmar, réserve naturelle régionale accessibles au public. Les images produites oscillent entre sujets naturalistes (animaux notamment) ou l’attrait esthétique des terres inondées ou embrumées.
Deux images du début du XXe siècle qui témoignent de l’intérêt des artistes, illustrateurs ou photographes pour les paysages et ambiances particulières des rieds. A gauche, la photographie de Jules Arnold, à la composition très soignée, joue des contrastes entre la lumière de l’eau et les masses sombres des bois, entre silhouette verticale de l’arbre dénudé et horizontalité de la plaine cadrée au fond par les bois.
A droite, c’est l’inondation du ried en hiver qui est représentée, les arbres isolés ou en rares bosquets participant à un paysage naturel dont l’homme semble exclu. Les prairies inondées du ried sont aussi un sujet apprécié des photographes exhaltant ainsi la part naturelle et indomptable de leurs paysages.
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Cette page de photographie est assez représentative de l’état des représentations du ried. Espace d’abord « naturel », les animaux sauvages en sont des sujets de choix. Les paysages ne sont pourtant pas totalement absents mais favorisent aussi le point de vue naturaliste.
Les paysages des villes : Colmar et Sélestat
Des représentations anciennes des deux villes inscrites dans leurs sites
Si dans les représentations anciennes, Colmar et Sélestat sont très souvent inscrites dans une échelle dépassant le cadre strict de la ville, depuis le début XXe siècle les représentations privilégient la plupart du temps les plans plus resserrés et les éléments du patrimoine architectural et urbain. Les productions touristiques contemporaines ne dérogent que peu à cette tendance qui touche l’ensemble de représentations des villes d’Alsace comme d’ailleurs.
Ces deux images comme celles de Colmar décrites plus haut montrent les villes dans leur environnement agricole. La campagne, les reliefs des Vosges y sont à la fois des éléments qui les mettent en valeur et les inscrivent dans leur environnement à la fois paysager et social.
Des représentations contemporaines patrimoniales et passéistes
« Il n’est plus nécessaire de vanter les charmes de Colmar : ses colombages, ses canaux, son centre-ville fleuri… Condensée d’une Alsace idyllique, la capitale des vins d’Alsace est la gardienne d’un art de vivre que vous vous devez de découvrir ! »
Quel que soit le support, cartes postales, guides touristiques ou revues, c’est le patrimoine urbain qui représente la ville, ne l’inscrivant jamais dans son paysage.